Tome 78, cahier 1, Janvier-Mars 2015

Pour un Port-Royal contrasté

Joël Biard & Martine Pécharman, Pour un Port-Royal contrasté. Sémiologie, philosophie de la connaissance et théologie

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Joël Biard, La sémiologie de Port-Royal. Signes, idées, langage

Cet article examine la Logique de Port Royal en regard des théories médiévales du signe et du langage. Il reprend les célèbres passages consacrés aux signes afin de préciser comment se croisent les notions de représentation et de signification. La Logique de Port Royal récuse la théorie du langage mental, qui était dominante au Moyen Âge tardif, au bénéfice de la force expressive de l’esprit. Celui-ci se subordonne le langage, en une procédure où le langage doit sans cesse s’ajuster à l’idée. L’article montre dans cette conception des rapports entre pensée et langage une présence forte de plusieurs thèses augustiniennes, bien au-delà de la seule définition usuelle du signe. Ni linguistique cartésienne, ni simple théorie cartésienne du jugement, la philosophie du langage de Port Royal se bâtit sur un véritable « augustinisme sémiologique ».

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Roger Ariew, La Logique de Port-Royal, les premiers cartésiens et la scolastique tardive

Dans quelle mesure la Logique de Port-Royal peut-elle être considérée comme une logique cartésienne ? Et dans quelle mesure l’Art de penser diffère-t-il des logiques antérieures ? Telles sont les deux questions, étroitement liées l’une à l’autre, auxquelles je souhaite répondre dans cette étude en procédant à une série de comparaisons, d’une part avec ce que Descartes appelait sa logique, d’autre part avec ce que les cartésiens de la première génération entendaient par logique cartésienne, et pour finir avec l’évolution de la logique scolastique au cours du XVIIe siècle. Je conclus que la logique élaborée par les cartésiens est simplement venue confirmer certains des développements de la logique scolastique au XVIIe siècle. La Logique de Port-Royal qui, pour les cartésiens de la fin du XVIIe siècle, représente par excellence la logique cartésienne, a également bien des traits en commun avec une logique néo-scolastique.

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Martine Pécharman, Arnauld et la fausseté des idées. De la Troisième méditation aux Quatrièmes objections

Le refus par Arnauld, en 1641, de la thèse cartésienne d’une fausseté des idées, et non des seuls jugements, est habituellement analysé en fonction de l’admission, vue comme un revirement sous l’influence des Quatrièmes réponses, des idées de la sensation comme idées fausses dans la Logique. J’essaie au contraire de rapporter ce refus seulement aux textes des Méditations et des Premières réponses qui lui servent d’appui. Arnauld construit son objection en sorte que la thèse des idées fausses apparaisse en contradiction avec la doctrine cartésienne même des idées. Ce n’est nullement la fausseté des idées de la sensation, mais la fausseté des idées tout court, qui est sa cible, et ses écrits ultérieurs manifestent une forme de continuité avec les raisons de sa critique initiale, plutôt qu’un simple abandon de cette dernière.

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Jean-Claude Pariente, Autour de la notion complète. Le débat entre Leibniz et Arnauld

Dans la lettre où il demande au Landgrave de Hesse-Rheinfels de transmettre à Arnauld le sommaire du Discours de métaphysique, Leibniz, soucieux d’obtenir le sentiment de ce dernier sur ses thèses, souligne l’importance et la variété des questions qu’il y touche : la grâce, le concours de Dieu avec les créatures, les miracles, la cause du péché, l’immortalité de l’âme, etc. Il ne mentionne pas dans cette liste la doctrine de la notion complète, bien qu’elle ne soit étrangère à aucune de ces questions. C’est pourtant à elle qu’Arnauld va immédiatement s’en prendre en demandant comment cette doctrine peut éviter les conséquences nécessitaristes qui en découlent apparemment. Il ouvre ainsi une discussion qui est une des plus approfondies de celles auxquelles Leibniz s’est prêté.

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Michael Moriarty, Liberté, nécessité, contrainte chez Jansénius, Arnauld et Nicole

Les théologiens jansénistes s’évertuent à réconcilier la thèse selon laquelle l’homme est assujetti à une nécessité générale de pécher avec le libre arbitre. Jansénius affirme que, malgré la nécessité générale, nous avons la liberté d’indifférence en ce qui concerne les actes particuliers ; mais il prétend aussi (en dépit d’Aristote) que la concupiscence, source des actes particuliers, se ramène à une forme de contrainte. Arnauld se contente d’affirmer la compatibilité de la nécessité générale de pécher avec l’indifférence, tandis que Nicole s’attaque à la conception de la concupiscence comme une forme de contrainte.

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Steven Nadler, L’ombre de Malebranche. Providence divine et volonté générale dans la correspondance entre Leibniz et Arnauld

La première lettre d’Arnauld à Leibniz, le 13 mars 1686, fut écrite peu de temps après la publication de ses Réflexions philosophiques et théologiques contre le Traité de la nature et de la grâce de Malebranche, dans lesquelles il critique la manière dont l’oratorien rend compte de la nature et de l’étendue de la providence divine. Or, bien que les premiers échanges entre Arnauld et Leibniz semblent privilégier la question de la liberté divine, le problème de la providence est lui aussi bien présent. J’essaie de montrer que les positions d’Arnauld sur la providence, d’abord dirigées contre Malebranche dans les Réflexions, aident à jeter une lumière nouvelle sur ce qui constitue l’objet principal de ses préoccupations quand il réagit négativement au sommaire de l’article XIII du Discours de métaphysique, et que les réponses de Leibniz aux objections d’Arnauld ont elles-mêmes été influencées par sa connaissance précise de la controverse entre Arnauld et Malebranche.

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Bulletin cartésien XLIV

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Antoine Arnauld

Pourquoi un cahier des Archives de Philosophie consacré à Port-Royal ?

Le mouvement de Port-Royal fut abordé sous bien des aspects décisifs (théologique, politique, littéraire, biblique etc.). Or un des aspects parmi les plus importants, et qui retient le plus l’attention des universitaires et chercheurs du monde entier, touche à la logique. À partir du moment où la logique scolastique semble ne plus lui convenir, l’esprit de l’homme exige une logique nouvelle comme passage vers l’épistémologie moderne…

En quoi consiste cette nouvelle approche ?

Cette nouvelle approche de la logique repose fondamentalement sur une réinterprétation générale du ‘‘signe’’. Il n’est plus un indicateur ontologique ou une flèche vers l’ontologie. Il n’est pas à visée ontologique, ni sans lien avec la chose réelle. Certes il se soumet à une analyse. Mais cette analyse va se faire sur la grammaire, la langue, l’énoncé, les propositions de raisonnement, la rigueur des formulations de connaissance. C’est de sémiologie qu’il s’agit alors.

Et le dossier des Archives ?

Il est synthétique et complet, présentant une articulation de nombres d’aspects décisifs de la nouvelle conception du signe portée par Port-Royal et de la connexion du signe avec le ‘‘réel’’. Sa richesse est de présenter un Port-Royal contrasté, scientifiquement incontestable, rompant avec la koinè. Il fait connaître aux lecteurs francophones les travaux d’universitaires américains et britanniques, d’universitaires français tous internationalement estimés. Que tous les auteurs de ce cahier soient remerciés

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