EnglishTome 82, cahier 3, Juillet-Septembre 2019

Relire Rorty

Stéphane Madelrieux, Relire Rorty. Introduction

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Richard Rorty, Autobiographie intellectuelle

Dans cet article autobiographique, Richard Rorty se livre à une méditation très personnelle sur sa jeunesse, sa formation intellectuelle et les enjeux philosophiques de l’élaboration progressive de sa pensée. En évoquant les différentes étapes de son parcours universitaire, il nous propose un tableau saisissant du monde universitaire américain des années 1960-1980 et une réflexion précieuse sur les auteurs qui l’ont influencé, ainsi que sur la portée et les limites de ses propres œuvres.

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Pierre Steiner, Rorty avant Rorty. À propos de la distinction entre corps et esprit

Cet article vise à montrer qu’il existe des relations de continuité importantes entre les premiers travaux analytiques de Rorty en philosophie de l’esprit, et la constitution ultérieure de l’œuvre pragmatiste pour laquelle il est davantage connu et décrié. Le concept de vocabulaire, ainsi qu’un certain sens de la contingence associé à la définition du rôle du vocabulaire mental et du vocabulaire intentionnel dans nos formes de vie, ont permis très tôt à Rorty d’adopter une position originale dans la littérature autour du mind-body problem. Le déflationnisme du jeune Rorty se retrouvera ensuite, mutatis mutandis, dans son approche post-ontologique de l’esprit, clairement distincte des approches d’autres pragmatistes comme Putnam et Brandom.

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Stéphane Madelrieux, Richard Rorty et la critique philosophique

Richard Rorty a défendu une conception thérapeutique de la philosophie, vouée à la critique des problèmes stériles de la tradition et non à la construction de thèses positives. Cet article cherche à mieux identifier le type de critique qu’il propose, en le situant dans son rapport au pragmatisme. Il montre que Rorty a un double rapport au pragmatisme : en tant que tradition spécifique de philosophie critique, qui permet de faire converger la philosophie analytique et la philosophie continentale dans un même rejet du fondationalisme ; en tant que position métaphilosophique qui permet d’expurger ce que la philosophie pragmatiste classique, au premier niveau, peut encore avoir de fondationaliste.

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Emmanuel Renault, Hégélianisme et pragmatisme selon Dewey et Rorty

Rorty, qui a fortement contribué à la redécouverte de Dewey en le présentant comme l’un des philosophes majeurs du XXe siècle, avec Wittgenstein et Heidegger, a également cherché à réévaluer les sources hégéliennes de sa pensée, en la présentant paradoxalement comme une synthèse de Darwin et de Hegel. Il a soutenu en outre que l’actualité de la philosophie pragmatiste tient à sa capacité à critiquer les impasses de la philosophie analytique en rééditant la critique hégélienne de Kant. Il a donc contribué à établir un lien paradoxal entre pragmatisme américain et hégélianisme et proposé une conception originale de ce qui pourrait constituer aujourd’hui l’actualité de l’hégélianisme et du pragmatisme. C’est ce paradoxe et cette originalité que cet article examine.

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Olivier Tinland, Richard Rorty : la science comme représentation et comme solidarité

Contrairement aux grandes figures du pragmatisme classique (Peirce, James, Dewey, Mead), Richard Rorty a souvent été accusé de prôner une pensée irrationaliste, hostile aux sciences. Dans cet article, je me propose de nuancer un tel verdict en présentant les enjeux, inséparablement philosophiques et métaphilosophiques, du débat que Rorty a instauré avec les principales branches de la philosophie des sciences contemporaine, autour des questions de l’essentialisme (la science comme « genre naturel »), du réalisme et de l’instrumentalisme scientifiques. Je propose en outre d’évaluer la manière dont Rorty a redécrit l’activité scientifique comme visant à la solidarité et à la création poétique.

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Richard Shusterman, L’esthétique chez Rorty

Richard Rorty entretient une relation ambiguë avec l’esthétique. D’une part il accorde une place centrale à la dimension esthétique dans l’activité philosophique elle-même, puisque celle-ci ne doit pas faire appel à l’argumentation et à la raison, mais à l’imagination et à la création de nouveaux vocabulaires ; de l’autre, il rejette au nom de l’anti-essentialisme l’idée de l’esthétique comme domaine de la culture distinct et unifié. L’article cherche à explorer les trois domaines où la dimension esthétique a été particulièrement valorisée par Rorty : la notion d’interprétation en philosophie du langage, la création de soi en éthique, le rapport entre la poétique et la philosophie sociale dans son analyse de la littérature

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Bulletin leibnizien V

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Bulletin de Philosophie médiévale XX

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Richard Rorty  2013 (Manuelredondoduenas, CC 3.0)

Relire Rorty, …

… coordonné par Stéphane Madelrieux, présente avec finesse et intelligence une philosophie agile et subtile, peu connue en France à l’exception des chercheurs qui travaillent le pragmatisme américain. La forme, judicieuse, choisie pour ce dossier est celle d’une approche synoptique qui réussit pleinement à présenter avec clarté et pédagogie cette philosophie. Le dossier fait toutefois bien plus. Ouvert par l’Autobiographie intellectuelle de Rorty, qui résonne à travers les articles qui le constituent, le dossier met en lumière l’acte même de la philosophie pour Rorty

Cet acte même de la philosophie…

…se signifie par la mise en œuvre de ce que Rorty appelle la conversation philosophique et, inséparablement liée, la vocation thérapeutique de la philosophie. Il procède de l’enracinement de Rorty dans la philosophie proprement américaine et, en même temps, du déplacement fondamental opéré par Rorty en aire américaine précisément – à côté de Peirce, Dewey, Davidson, Quine, Putnam, pour ne citer qu’eux –, où il entremêle les relations entre philosophie américaine et philosophie continentale. Cet acte se manifeste comme décision de s’affranchir de tout fondement ou d’absolu quel qu’il soit – Dieu, la réalité, l’être, la nature, l’altérité, le langage… – par lequel la philosophie se tiendrait pour justifiée et assurée, non sans se livrer, fatalement presque, à la menace d’un fanatisme fondamentaliste. Cet acte traduit l’acceptation de l’obsolescence de la pensée – américaine, européenne.

Cette obsolescence ne signe pas pour Rorty la fin de la philosophie quand la nuit tombe sur le monde qui fut un temps le sien et où la philosophie s’est établie dans des figures ou des discours où elle s’est reconnue et dite. Cette obsolescence appelle la philosophie à en prendre acte. Elle le fait par un travail de redescription dans la mise en conversation de pensées qui s’opposent ou que rien ne saurait tenir proches, en revenant en particulier à nos pratiques collectives et à nos usages communs de vie et de lecture. Quelque chose de neuf peut alors surgir, qui n’est pas une nouvelle figure de la philosophie ou un nouveau discours où elle s’établira, un temps..

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Ce quelque chose de neuf…

…a à voir avec les attitudes humaines, plus précisément avec leurs reviviscences. La philosophie pour Rorty n’a plus à vivre de l’envol de la chouette de Minerve à la tombée de la nuit ; elle naît des cendres, tel le phénix, de nos pratiques et de nos attitudes de vie toujours revues et à revoir au présent. Une éthique, toute de modestie, se donne alors à entendre. Comme tolérance, en termes d’acceptation de l’autre. Comme essai de diminuer, mais non de supprimer, la souffrance. Cette éthique vient en grande partie de ce qui se tient au cœur de la philosophie pour Rorty : l’esthétique, révélation et langage du monde, et par là-même, création de soi

Relire Rorty ouvre ainsi la route à l’une des formes les plus incontournables du pragmatisme américain. Il permet d’en saisir l’inspiration et l’acte, d’en approcher et sentir l’esprit, et ses effets les plus féconds

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