Auteur : Éric Bories

Hans-Christoph SCHMIDT AM BUSCH, La « reconnaissance » comme principe de la Théorie critique, traduction sous la direction d’A. P. Olivier et M. Roudaut, Lyon, ENS Éditions, 2015, 340 p.

Dans cette version remaniée de sa thèse d’habilitation, H.-C. Schmidt am Busch regrette que ni la théorie procédurale de la justice proposée par Rawls, ni l’analyse fonctionnaliste de l’économie de marché présente chez Habermas n’aient su produire une critique efficace du capitalisme contemporain. Il soutient alors qu’une théorie critique normative de la reconnaissance, telle qu’il en repère l’origine chez Fichte, mais surtout chez Marx, Hegel et Axel Honneth, pourrait s’avérer utile pour dénoncer les déficits de l’« estime méritocratique », forme de reconnaissance aujourd’hui promue par le capitalisme néolibéral et critiquée par l’École de Francfort.

La première partie concède à Nancy Fraser que la performance du travailleur ne saurait être considérée sans problème comme norme de l’estime de soi. Mais l’auteur conteste qu’une analyse structurale des sociétés de marché permette de critiquer efficacement le capitalisme. La deuxième partie soutient qu’en dépit de présupposés anthropologiques embarrassants, la théorie de la production humaine du jeune Marx peut être utile à la théorie critique. La partie la plus importante du livre (132 pages) est finalement consacrée à Hegel, qui envisage, dans l’étude d’une économie de marché non gouvernée par le seul « droit abstrait », des relations de collaboration et de service au sein desquelles l’« estime de soi » et l’« estime sociale » invitent à la coopération, et où chercher à gagner plus peut s’expliquer autrement que selon l’« hypothèse de l’insatiabilité » (p. 286).

L’auteur souligne l’intérêt de la forme de reconnaissance propre aux institutions de la société civile hégélienne (commentant précisément les notions d’« honneur », de « police » et de « corporation »). Il montre qu’une théorie normative de la reconnaissance permet d’analyser et d’évaluer efficacement les métamorphoses du lien de reconnaissance au sein du « nouvel esprit du capitalisme ». L’ouvrage présente une utilité et un intérêt indéniables pour ceux qui cherchent à comprendre en quoi une « actualisation de l’éthicité hégélienne » (Honneth, Das Recht der Freiheit, 2011) peut animer la réflexion contemporaine.

Éric BORIES (Académie de Toulouse)

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Pour citer cet article : Éric BORIES, « Hans-Christoph SCHMIDT AM BUSCH, La « reconnaissance » comme principe de la Théorie critique, traduction sous la direction d’A. P. Olivier et M. Roudaut, Lyon, ENS Éditions, 2015 », in Bulletin de littérature hégélienne XXVIII, Archives de Philosophie, tome 81/4, Octobre-décembre 2018, p. 821-856.

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