Auteur : Jacob Schmutz

SANCHEZ, Francisco, Nulla si sa, a cura di Claudio Buccolini, Pisa, Edizioni della Normale, 2018, 243 p.

Francisco Sanches (1551-1623, ou « Sanchez », selon la forme autographe du nom ici restituée, tel qu’il figure dans les registres de la Faculté de Médecine de Montpellier) voulait mourir comme son héros Socrate : sans avoir jamais rien publié, ce qui serait la preuve de la seule certitude qu’il avait, à savoir qu’il ne savait rien. Sanches fit, pour notre bonheur, une exception à cette règle en 1581, date de la première édition lyonnaise du Quod nihil scitur. Les réactions suscitées par son œuvre le convainquent de cesser de publier : il fit alors neuf enfants plutôt que des livres, et deux d’entre eux publieront à titre posthume ses autres opuscules ainsi que ses œuvres médicales (1636). Après des traductions portugaise, espagnole, allemande, anglaise et française (Il n’est science de rien, trad. A. Comparot, Paris, 1984), C. Buccolini, bien connu des lecteurs du Bulletin, nous livre ici une nouvelle traduction italienne, qui fait suite à une première traduction plus littérale réalisée par le regretté E. Lojacono et publiée dans l’imposant volume de Tutte le opere, avec texte latin en regard (Milan, 2011, 938 p.) et auquel il avait lui-même collaboré. Dans cette nouvelle édition, la traduction « privilégie la lisibilité » en décomposant parfois des passages « excessivement concis » (p. 60) et en indiquant souvent en note les référents de certains pronoms sujets ou compléments. La traduction est présentée sans le texte latin (mais certains termes importants ou donnant lieu à des jeux de mots sont indiqués dans leur version latine entre parenthèses), et elle est précédé d’une assez longue introduction (p. 5-48), d’une brève chronologie biographique (p. 49-51) et d’une bibliographie (p. 52-61). L’introduction commence par rappeler l’histoire de l’édition du texte, qui a connu plusieurs éditions au XVIIe s., en même temps que se diffusait la pensée originale de Sextus Empiricus, notamment grâce à l’édition parisienne de Chouet en 1621, ainsi que les étapes de l’historiographie, notamment italienne. Il propose ensuite une analyse plus systématique (p. 24-40) de son contenu et de sa méthode argumentative, présentant en particulier les différents registres d’argumentation du scepticisme de Sanchez contre le témoignage des sens et les arguments d’autorité, souvent vus comme une anticipation du doute cartésien. L’ensemble forme un beau volume, très soigné, qui permettra un accès de première main aux étudiants et aux chercheurs désireux de se familiariser avec un texte qui conserve toujours sa part de mystère.

Jacob SCHMUTZ (Sorbonne Université)

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Pour citer cet article : Jacob SCHMUTZ, « FranciscoSanchez, Nulla si sa, a cura di Claudio Buccolini, Pisa, Edizioni della Normale, 2018 », in Bulletin cartésien XLIX, Archives de Philosophie, tome 83/1, janvier-mars 2020, p. 151-222.

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PAGANINI, Gianni, « Sanches et Descartes. Subjectivité et connaissance réflexive au temps des sceptiques », Bulletin de la Société internationale des amis de Montaigne, 64/2, 2016, p. 173-185.

L’A. revisite ici le champ mille fois labouré depuis P.-D. Huet des rapports entre le scepticisme du médecin toulousain Francisco Sanches (1550-1623) et la démarche cognitive de D. dans la construction d’un concept moderne de subjectivité, fondé sur la réflexivité de celui qui connaît. Il s’attaque à la lecture traditionnelle, incarnée notamment par les remarques d’É. Gilson dans son édition du Discours de la méthode, qui imputait le scepticisme des auteurs de la Renaissance à leur « empirisme foncier », mais l’on regrette qu’il ne prenne pas en considération d’autres titres dans l’immense historiographie sanchesienne. Il s’emploie également à souligner les nombreuses similitudes entre la démarche de Sanches et celle de D., tant au niveau de la forme et du style d’écriture (prenant au sérieux le caractère autobiographique qui permet d’établir le caractère personnel de l’expérience sceptique) qu’au niveau proprement doctrinal. Il rappelle en particulier comment Sanches se serait attaqué à « l’interdit scolastique de l’introspection », étant donné que la tradition aristotélicienne n’admettait de connaissance que médiatisée par l’abstraction des espèces (ce qui est loin d’être certain). Il souligne la ressemblance des textes de Sanches et D. sur la certitude des actes internes, concluant donc que « Sanches demeure, avant Montaigne, l’un des pères de la subjectivité sceptique moderne, et avant Descartes un ancêtre de la subjectivité philosophique tout court » (p. 179).

Jacob SCHMUTZ

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Pour citer cet article : Jacob SCHMUTZ, « PAGANINI, Gianni, « Sanches et Descartes. Subjectivité et connaissance réflexive au temps des sceptiques », Bulletin de la Société internationale des amis de Montaigne, 64/2, 2016, p. 173-185. » in Bulletin cartésien XLVII, Archives de Philosophie, tome 81/1, Janvier-mars 2018, p. 171-223.

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COLUCCIA, Ilaria, « Descartes et la scolastique sur la fausseté matérielle : perspectives sur les études récentes », Journal of Early-Modern Studies, 5/2, automne 2016, p. 145-160.

Petit article de synthèse bibliographique sur la notion de fausseté matérielle, qui apparaît dans la Meditatio III avant de jouer un rôle important dans l’échange des objections et des réponses entre D. et Arnauld. L’A. montre qu’un grand nombre de chercheurs des quarante dernières années ont cherché à résoudre les difficultés du texte cartésien par une étude approfondie de la notion de fausseté matérielle dans la scolastique. Elle propose à ce titre un résumé des principales contributions, à commencer par les travaux du regretté N. J. Wells (1984, puis sa révision en 2008), puis des travaux plus récents d’E. Scribano (2001), D. Behan (2008), C. Wee (2006) et D. Clemenson (2007). L’article rappelle les principaux textes-sources bien connus (Suárez, les Conimbricenses) mais n’en ajoute pas d’autres, et rappelle qu’une bonne étude des définitions scolastiques permettrait d’éviter cet « inébranlable anachronisme » (p. 157) qui caractériserait nombre d’études cartésiennes.

Jacob SCHMUTZ

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Pour citer cet article : Jacob SCHMUTZ, « COLUCCIA, Ilaria, « Descartes et la scolastique sur la fausseté matérielle : perspectives sur les études récentes », Journal of Early-Modern Studies, 5/2, automne 2016, p. 145-160. » in Bulletin cartésien XLVII, Archives de Philosophie, tome 81/1, Janvier-mars 2018, p. 171-223.

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