Auteur : Juliette Morice

PERETTI, François-Xavier de, « Figures du voyage, de l’errance et de l’exil chez Descartes », Papers on French Seventeenth Century Literature, Bd. 43, 84, 2016, p. 61-81.

Cet art. part d’un fait historique – celui de la multiplicité des voyages entrepris par D. en sa vie – pour s’interroger sur le rapport existant entre ce qui constitue un événement biographique et ce que serait la « pensée » cartésienne des voyages. L’hypothèse de lecture de l’A. repose sur l’idée qu’il y aurait là une forme de lien nécessaire entre la « philosophie de la méthode » et la présence conjointe des « thèmes » du voyage, de l’errance et de l’exil dans l’œuvre et dans la vie de D. L’A. commence par repérer trois lieux manifestes où trouverait à s’exprimer la pensée cartésienne du voyage, lesquels semblent correspondre à trois formes de voyage fort distincts : il est question à la fois du projet de « pèlerinage » évoqué dans les Olympica ; du récit de la première partie du Discours de la méthode dans lequel D. reprend le topos du « grand livre du monde » ; enfin de l’image du voyageur égaré dans la forêt présente dans la troisième partie du Discours. L’introduction ne dit rien, semble-t-il, de la dernière partie de l’article – pourtant la plus longue – consacrée à « l’exil comme condition », dans laquelle est abordée la dimension plus proprement « métaphysique » du voyage cartésien.

L’ambition de traiter ensemble ce qui relève à la fois de la biographie et de la philosophie de D. est fort louable, comme est louable l’effort pour considérer sur un même plan le voyage comme pratique réelle et le voyage comme image ou comme opérateur conceptuel (qu’il s’agisse ici du voyageur égaré ou de la fable du monde). Tout cela manifeste un souci d’exhaustivité et une volonté de réunir ce qui pourrait sembler disparate pour lui donner un sens, et l’A. a le mérite de ne pas sacrifier les dimensions épistémologiques et métaphysiques à la dimension morale du problème. Une telle gageure présente toutefois le risque de la juxtaposition des concepts. Les distinctions et les définitions demeurent en effet parfois flottantes, et le fait de traiter tour à tour les notions de voyage, d’errance, de chemin et d’exil, sans toujours faire le lien entre elles, empêche parfois d’y voir clair. Par ailleurs, on aimerait savoir où se situe précisément le point de rencontre entre le voyage comme pratique concrète, le voyage comme argument ou raison de douter et le voyage comme métaphore. Aussi la conclusion, qui insiste sur l’idée que la « fable du monde » de D. esquisserait un « voyage par la pensée », semble-t-elle nous emmener bien au-delà de l’hypothèse initiale. On pourrait du reste retourner cette hypothèse et se demander pourquoi celui que l’on présente comme « le philosophe de la méthode » n’a justement pas fourni – contrairement à certains de ses contemporains – de méthode ou d’art du voyage. On regrettera à cet égard que la « pensée » cartésienne du voyage – si tant est qu’il y en ait une – ne soit pas davantage confrontée à ses sources directes ou supposées, et que Montaigne, très longuement cité, soit finalement laissé de côté comme une « source probable » mais peu discutée. Enfin, ce sujet, si original et pertinent soit-il, aurait sans doute gagné à être mis en perspective par l’évocation de la littérature critique déjà consacrée à la question, et dont on ne trouve presque aucune trace ici.

Juliette MORICE

Retrouver l’intégralité de ce compte rendu et l’ensemble du Bulletin cartésien XLVI chez notre partenaire Cairn

Pour citer cet article : Juliette MORICE, « PERETTI, François-Xavier de, « Figures du voyage, de l’errance et de l’exil chez Descartes », Papers on French Seventeenth Century Literature, Bd. 43, 84, 2016, p. 61-81 » in Bulletin cartésien XLVI, Archives de Philosophie, tome 80/1, Janvier-mars 2017, p. 147-224.

♦♦♦