Auteur : Markus Gante

Georg W. BERTRAM, Hegels Phänomenologie des Geistes. Ein systematischer Kommentar, Stuttgart, Reclam, 2017, 343 p.

Le commentaire de la Phénoménologie de l’esprit (PhE) de Georg Bertram est un livre conscient de lui-même. De prime abord, l’auteur poursuit un but : ne pas se concentrer sur l’explicitation des références historiques massivement présentes dans la PhE, mais « rendre saisissable la ligne systématique du texte » (p. 27). Cette entreprise est censée réussir grâce à l’interprétation des figures de la conscience comme des conceptions du savoir, qui expose des « liaison[s] entre une prétention au savoir et la saisie d’un objet » (p. 46 sq.). Leur conflit est, de l’avis de Bertram, le moteur de la PhE.

Cet esquisse d’interprétation est en même temps tournée d’emblée vers une interprétation du texte en termes de philosophie sociale et s’avère, de ce point de vue, extrêmement féconde. C’est ainsi que le point culminant du développement des conceptions du savoir dans le savoir absolu consiste dans le discernement de ceci que c’est la « pratique normative commune » et ses « pratiques de réflexion » qui se retrouvent dans toutes les « transformations du rapport au monde, aux autres et à soi », et permet seule à la multitude des pratiques humaines de devenir intelligible (p. 308). C’est de cette manière que Bertram analyse et interprète l’esprit en tant que principe configurateur du monde ou substance comme sujet, ce qui revient, pour lui, à exposer le principe déterminant de la modernité (p. 309).

Sa proposition d’interprétation est passionnante, claire et d’une grande efficacité ; elle intéressera particulièrement tous ceux qui ont à cœur d’interpréter la pensée de Hegel dans une perspective de philosophie sociale, et nous leur recommandons la lecture de cet ouvrage. Il y a cependant un revers de la médaille à la fermeté de cette interprétation : elle se voit contrainte de trancher dans un sens unique les obscurités et les ambivalences de Hegel lui-même. Ce problème apparaît à la lecture de la bibliographie : elle renvoie en premier lieu à des auteurs qui ont eux-mêmes défendu une interprétation de la PhE en termes de philosophie sociale et de théorie de la reconnaissance. Celui ou celle qui a des réticences vis-à-vis de ce type de lecture de Hegel sera peut-être agacé par le commentaire de Bertram – mais en apprendra aussi quelque chose.

Markus GANTE (Ruhr-Universität Bochum) (trad. V. B.)

Retrouver ce compte rendu et l’ensemble du Bulletin de littérature hégélienne XXVIII chez notre partenaire Cairn

Pour citer cet article : Markus GANTE, « Georg W. BERTRAM, Hegels Phänomenologie des Geistes. Ein systematischer Kommentar, Stuttgart, Reclam, 2017 », in Bulletin de littérature hégélienne XXVIII, Archives de Philosophie, tome 81/4, Octobre-décembre 2018, p. 821-856.

♦♦♦