Auteur : Pauline Clochec

 

Stephanie Baumann & Marie-Ange Maillet (dir.), Aufklärung – Hegel – Vormärz. Reisen in die Ideengeschichte. Eine Festschrift für Norbert Waszek, Baden-Baden, Verlag Karl Alber, 2024, 504 p.

Cet ouvrage collectif rend hommage à Norbert Waszek, retraité en août 2022 de l’Université Paris-8 où il était professeur d’études germaniques. Ses vingt-et-un articles sont ainsi encadrés par une introduction retraçant le parcours de celui-ci et par sa bibliographie. Si les thèmes abordés rassemblent dans leur diversité et leur cohérence les objets de recherche de ce dernier – l’hégélianisme, les Lumières, notamment écossaises, Heine et le Vormärz et, dans une moindre mesure, le Nachmärz et la théorie critique –, ce sont bien Hegel et son école au xixe siècle qui sont l’objet principal du livre, ayant constitué, comme le rappelle l’introduction, « le plus important centre de gravité et fil rouge [de ses] recherches ». Cette recension se concentre sur cet aspect de l’ouvrage.

Cinq articles sont consacrés à Hegel. Dans « The Power of Substance and the Power of Concept », Angelica Nuzzo étudie les reformulations de la distinction aristotélicienne entre puissance et acte chez lui et Spinoza. C’est plus sur Hegel même que se concentre Myriam Bienenstock à propos du rapport entre « “Esprit objectif” et “esprit absolu” ». Prenant le contrepied des Jeunes hégéliens et de J. Habermas, elle insiste sur l’importance irréductible de l’esprit absolu dans la philosophie hégélienne. Dans un remarquable article interrogeant le rapport du Hegel de Berne à Schiller, André Cressoni et Douglas Moggach montrent que « l’invocation de la Grèce antique et de la communauté de la polis dans les textes de jeunesse n’est en rien un rejet de l’agentivité rationnelle et autonome, mais sert de correctif aux affirmations atomistiques modernes de la personnalité ». Cet usage du philhellénisme s’inspirerait du classicisme weimarien et notamment des Lettres sur l’éducation esthétique de Schiller. Les deux articles suivants abordent l’économie dans les Principes de la philosophie du droit. Dans « Civil Society and its Discontents », Stephen Houlgate soutient la thèse controversée selon laquelle Hegel proposerait bien une « solution au problème de la pauvreté » : les corporations contrecarreraient à leur racine les causes de la pauvreté. En prenant le contrepied de cette analyse, Helmut Schneider, dans « Hegels Analyse der Ökonomie der bürgerlichen Gesellschaft und der Kolonialismus » souligne que la pauvreté de la société civile n’est pas intégralement réductible pour Hegel. Il se tourne alors vers un autre moyen que Hegel évoque pour la diminuer, à savoir la colonisation, tout en rappelant ses limites. Plus systématique, un article de Richard Gunn cherche à mettre au jour « une tradition de réflexion sur l’interaction conversationnelle » dont Smith, Hegel et J. Habermas seraient des maillons. Enfin, deux articles témoignent de l’actualité des recherches sur le Vormärz et l’école hégélienne. Dans « Die Ordnung der Hegelschule », Ursula Reitermeyer tente d’établir les limites des divisions de l’école en hégéliens de gauche et de droite, jeunes et vieux. Si l’on peut admettre avec elle que ces divisions ne sont pas complètement objectives au sens où elles sont moins une description qu’une arme polémique, on peut contester leur rejet global du fait de l’usage qu’en font justement les hégéliens, et préférer une approche que Wolfgang Essbach avait qualifiée d’« empathique » dans son ouvrage fondateur Die Junghegelianer, restituant la fonction qu’avaient ces usages pour leurs auteurs. Enfin, Reinhard Blänker met en scène le rapport entre Eduard Gans et Leopold von Ranke comme « une constellation d’antipodes » qui s’opposent par leurs trajectoires et leurs positionnements politiques.

Dans l’ensemble, l’objet de ce riche volume est moins d’avancer des innovations interprétatives que de proposer une synthèse actuelle des champs de recherche où se sont inscrits les travaux de Norbert Waszek et qu’il a en grande partie contribué à initier.

Pauline Clochec (Université de Picardie Jules-Verne)

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Pour citer cet article : Stephanie Baumann & Marie-Ange Maillet (dir.), Aufklärung – Hegel – Vormärz. Reisen in die Ideengeschichte. Eine Festschrift für Norbert Waszek, Baden-Baden, Verlag Karl Alber, 2024, 504 p., in Bulletin de littérature hégélienne XXXV, Archives de philosophie, tome 88/4, Octobre-Décembre 2025, p. 131-172.

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