Auteur : Alexandra Roux

Michael KÜHNLEIN & Henning OTTMANN (dir.), Religionsphilosophie nach Hegel. Über Glauben und Wissen nach dem Tod Gottes, Heidelberg, J. B. Metzler, 2021, 270 p.

Écrit deux siècles après la parution des Discours sur la religion de Schleiermacher, ce volume consacré à la philosophie hégélienne de la religion est placé sous le signe de la « mort de Dieu », non pas seulement au sens théologique de la mort du Christ, mais aussi à celui philosophique et politique du nihilisme. C’est, en effet, dans l’horizon de la sécularisation des sociétés occidentales et du discours philosophique que la philosophie hégélienne est replacée pour être valorisée comme une approche féconde de la religion. Du point de vue du corpus, c’est toute l’œuvre de Hegel qui est mobilisée : non seulement les Leçons sur la philosophie de la religion, mais aussi – pour ne citer que les principaux – Foi en savoir, la Phénoménologie de l’esprit, la Science de la logique, la troisième partie de l’Encyclopédie des sciences philosophiques et les Principes de la philosophie du droit.

Les treize études que comprend l’ouvrage sont réparties comme suit : dans une première section, sont regroupées celles qui proposent une approche dite « herméneutique » de la philosophie hégélienne de la religion ; dans la seconde, les six autres études ont en commun de se placer dans une perspective dite « systématique ». Dans l’une et l’autre de ces parties, on trouve toutefois des études concentrées sur l’approche hégélienne, d’autres qui la resituent dans le contexte de la pensée moderne et de l’Aufklärung, et d’autres enfin qui la situent dans l’horizon de sa réception.

Parmi les textes centrés sur l’approche de Hegel, celui de Christoph Halbig (2e étude) montre en quoi le contenu aussi bien que la forme de sa conception de la religion sont dépendants de sa philosophie de l’esprit. De son côté, Thomas Rentsch (3e étude) met en relief la dépendance de la Religionsphilosophie de Hegel vis-à-vis de sa théologie spéculative en dégageant sept thèses fondamentales propres à montrer cette dépendance. Nadine Mooren (4e étude) scrute, quant à elle, la « division du travail » (Arbeitsteilung) qu’elle voit à l’œuvre, dans l’optique de Hegel, entre la religion et la philosophie, tant au niveau institutionnel que personnel. Kurt Seelmann centre la 11e étude) sur la notion de dignité humaine en montrant qu’elle se trouve, dans le système de Hegel, à l’intersection de la philosophie de la religion et de la philosophie du droit. Dans la 12e étude, sur ce qu’il nomme la « politique de la religion » (Religionspolitik), Rolf Schieder explique comment Hegel pense la dimension politique de la communauté religieuse, d’une part en soulignant ses présuppositions théologiques, et d’autre part en relevant la fonction médiatrice qu’il fait jouer à la culture et à la science entre l’État et l’Église. Enfin, Michael Kühnlein (13e étude) désigne tour à tour ce que Hegel peut nous apprendre et ne peut pas nous apprendre sur les rapports entre l’État et la religion, avant de dégager en conclusion ce que le philosophe peut retenir de ses analyses.Parmi les textes qui resituent la Religionsphilosophie de Hegel dans le développement de la pensée moderne, celui de Henning Ottmann (5e étude) défend l’idée qu’elle est ambivalente, comme l’est plus largement toute sa philosophie selon qu’on met l’accent sur la contradiction (le dialectique) ou plutôt sur la réconciliation (ou le spéculatif) ; pour le montrer, il la confronte à la philosophie kantienne de la religion. De son côté, Burkhard Nonnenmacher (9e étude) met en lumière le rôle que joue la critique que Hegel fait de la critique kantienne de la théologie dans son approche de la religion.

Trois études prennent en vue la Religionsphilosophie proposée par Hegel à la lumière de sa réception. Celle de Pirmin Steikeler-Weithofer (1re étude) lit l’entreprise résolument spéculative du philosophe allemand à la lumière du « discours sur Dieu » (Rede von Gott) tel qu’il s’est fait entendre après l’Aufklärung, puis de nouveau en réaction au nihilisme. Le texte de Georg Sans (6e étude) met, quant à lui, en regard la doctrine hégélienne de la conscience religieuse et la critique feuerbachienne de la religion, en opposant le philosophème de l’esprit absolu et celui du genre humain. Dans le texte suivant (7e étude), Gunther Wenz étudie le sens et les enjeux de la réception de la théorie hégélienne de l’Absolu chez Pannenberg. Dans la première contribution à caractère « systématique » (8e étude), Vittorio Hösle révèle la présence d’un tropisme hégélien chez deux auteurs américains contemporains, le philosophe analytique Thomas Nagel et le philosophe du droit Ronald Dworkin dont il remarque que tous deux rejettent le théisme et préconisent une forme de religion également éloignée de la valorisation de la subjectivité et de la positivité, en ceci proche de la religion telle que Hegel la concevait dans son idéalisme objectif. Enfin, Ulrich Thiele (10e étude) s’attache à présenter et caractériser la théologie politique de Hegel, avant de voir, en se fondant sur des auteurs divers (dont Kelsen, Weber, Habermas, et des auteurs bien plus récents) quelles ont pu être et quelles peuvent encore être ses « alternatives sécularisées ».

Alexandra ROUX (Université de Poitiers)

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Pour citer cet article : Michael KÜHNLEIN & Henning OTTMANN (dir.), Religionsphilosophie nach Hegel. Über Glauben und Wissen nach dem Tod Gottes, Heidelberg, J. B. Metzler, 2021, 270 p., in Bulletin de littérature hégélienne XXXII, Archives de philosophie, tome 85/4, Octobre-Décembre 2022, p. 167-204.

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