Auteur : Carmine Taddeo
BALDASSARRI, Fabrizio, « Being Alive in Descartes’ Physiology: Animals and Plants, the Immutatio and the Impetus », Rivista di Storia della Filosofia, 2021/1, p. 76-94.
On sait que, pour Descartes, le corps vivant est un objet de la philosophie naturelle : la vie organique est conçue comme un mécanisme qui fonctionne par ses parties et dépend entièrement du corps. Dans cette étude, Fabrizio Baldassarri décrit de manière analytique en quoi consiste le corps vivant en orientant sa recherche sur trois niveaux, à savoir définir : (a) la vie organique, (b) le principe de la vie et (c) ce qu’est le corps vivant au sein de la philosophie et de la physiologie cartésiennes (p. 78). La nécessité de préciser ce qu’est le corps vivant dans les œuvres de Descartes découle, selon lui, de la distinction que le philosophe fait entre la vie, l’âme et le corps (p. 77). Si effectivement l’âme et ses fonctions sont séparées du corps, que reste-t-il de la machine vivante ? Selon l’auteur de l’étude, il existe quatre références explicites au corps vivant qui nous permettent de le définir. La première se trouve dans la Cinquième Partie du Discours de la méthode, où Descartes donne une explication mécanique du mouvement du cœur et des fonctions du corps en général. Dans cette première référence, une considération préliminaire concerne la distinction entre corps inertes et vivants (p. 79). Cette clarification permet à F. Baldassarri de conclure, en cohérence avec les prémisses de son étude, que les corps vivants peuvent être définis comme ceux qui possèdent une disposition physique, dont l’automouvement est activé par une source centrale de chaleur, le cœur (p. 80). À cet égard, reconnaissant l’importance de la réduction au matérialisme dans cette première phase de la physiologie cartésienne, l’analogie entre le corps vivant et l’automate est centrale, illustrant la façon dont le corps vivant peut agir de manière complètement indépendante de l’âme (p. 83). La deuxième référence apparaît dans les Excerpta anatomica : ici on trouve une nouvelle définition du corps vivant comme machine capable de s’auto-alimenter et de croître mécaniquement (p. 86). Un élément original de l’étude est la description de ces deux moments à travers le processus d’immutatio des particules alimentaires. Encore une fois, l’explication mécanique de la digestion et de la croissance du corps vivant sert à exclure l’implication de l’âme dans ce processus, qui est expliqué comme un changement mécanique interne et non comme une simple agrégation de parties (p. 85). La troisième référence concerne l’intention de Descartes, jamais pleinement réalisée, d’inclure une section sur le corps vivant dans les Principia. Dans cette section, il est intéressant de noter la schématisation innovante d’une scala naturae à la base du projet des Principia, selon laquelle à un premier niveau se trouvent les corps inertes et terrestres (métaux et pierres), à un second niveau les corps vivants (animaux et plantes), y compris l’homme, aussi en tant que corps vivant, mais à un degré de perfection supérieur (p. 87). La quatrième et dernière référence importante se trouve, selon l’auteur, dans la Description du corps humain. Ici, les corps vivants sont définis comme des corps qui régulent leur croissance par la nutrition, tandis que leurs parties changent continuellement par des activités internes (p. 88). En quoi consiste donc le corps vivant ? F. Baldassarri conclut que l’élément commun présent dans toutes ces définitions du corps vivant est le concept d’élan (impetus), c’est-à-dire cette force interne qui pousse le corps à se déplacer, qui maintient les parties et les organes ensemble, qui organise et distribue la chaleur interne ainsi que les particules résultant de la nutrition comme de la croissance. Cette conclusion semble faire remonter l’intégralité des fonctions vitales à un élan compris plutôt comme un principe que comme une caractéristique propre au corps conçu mécaniquement. C’est particulièrement évident lorsqu’on examine les références textuelles cartésiennes évoquées par Baldassarri (p. 89-90). Dans les cas cités, en effet, les mots remontant à l’impetus semblent plutôt indiquer une qualité particulière impliquée dans les principaux processus vitaux du corps et de ses parties, il ne semble donc pas possible de reconnaître à ce terme un sens aussi nettement technique que le postule l’auteur. Cette perplexité fondamentale n’enlève rien à la valeur globale d’un article qui, dans la continuité d’autres études originales de l’auteur, confirme l’attention spécifique que Descartes porte à l’analyse de la nature du vivant ainsi qu’à l’interrogation sur sa définition et les processus qui caractérisent la vie (p. 92).
Carmine Taddeo (Università del Salento)
Retrouver ce compte rendu et l’ensemble du Bulletin cartésien LII chez notre partenaire Cairn
Pour citer cet article : BALDASSARRI, Fabrizio, « Being Alive in Descartes’ Physiology: Animals and Plants, the Immutatio and the Impetus », Rivista di Storia della Filosofia, 2021/1, p. 76-94., in Bulletin cartésien LII, Archives de philosophie, tome 86-2, Avril-Juin 2023, p. XXXIII-L.