Auteur : Claudia Melica

 

Caterina MAURER, La razionalità del sentire. Gefühl e Vernunft nella Filosofia dello spirito soggettivo di Hegel, Padova, Verifiche, 2021, 321 p.

Caterina Maurer propose une analyse d’ensemble du rôle cognitif des émotions chez le Hegel de Berlin, en montrant qu’elles sont intérieurement imprégnées par la pensée. Comme on le sait, elles sont exposées dans la section « esprit subjectif » de l’Encyclopédie au moyen d’une dialectique complexe entre sentiment et rationalité. L’autrice mène sa recherche selon une méthode interdisciplinaire, qui tient compte non seulement des sciences empiriques naissantes de l’époque de Hegel (psychologie, anthropologie, biologie, médecine, phrénologie et physiognomonie, craniologie et psychiatrie), mais aussi des recherches neuroscientifiques contemporaines. Comme le dit C. Maurer, dans la Hegel-Forschung, les études sur la sphère des sentiments (Gefühlsphäre) au sein du sujet humain fini n’ont rencontré jusqu’à maintenant qu’un intérêt marginal. L’objectif de l’ouvrage est de donner toute sa place à la sphère des émotions dans l’ensemble de ses composantes spécifiques.

Dans le premier chapitre, l’analyse de C. Maurer révèle une anthropologie hégélienne exempte de dualisme, capable de prendre en compte la sphère émotionnelle de l’esprit en relation étroite avec le corps. Pour comprendre comment ces émotions sont concrètement mises en œuvre de manière immédiate à travers le corps, Hegel fait l’hypothèse, dit l’interprète, d’une sorte d’« anticipation » de la subjectivité déjà formée, capable de pensée autant que de langage. Dans le deuxième chapitre de la monographie, une large place est faite à la distinction entre Empfindungen externes et internes telle que Hegel la propose dans la première section de l’Anthropologie. L’examen se concentre en particulier sur la nature des Empfindungen internes capables de manifester le sentiment physiologique du sujet à travers le corps. Dans le troisième chapitre, Caterina Maurer examine les caractères spécifiques qui constituent les Empfindungen mais aussi les Gefühle que le sujet humain ne partage avec les animaux qu’à un niveau primaire. La différence entre l’activité animale et l’activité humaine réside dans le fait que la première n’est qu’une réaction aux stimuli de l’environnement alors que la seconde est, au contraire, une réponse cognitive imprégnée de pensée. Dans le quatrième chapitre, l’habitude est, d’une part, analysée comme une forme du comportement humain qui se fonde sur la régularité d’une certaine action et qui a son corrélat dans une capacité expressive particulière du corps, en particulier dans les expressions faciales en tant que répétition automatique d’un stimulus donné. D’autre part, c’est précisément par l’habitude que l’âme peut se percevoir comme une sorte d’unité psychophysique capable d’entrer en relation avec le monde extérieur.

Après avoir traité de la sphère de l’anthropologie hégélienne, l’autrice se concentre, dans le chapitre 5, sur la sphère de la psychologie. Hegel parvient à mettre en évidence le lien entre l’esprit théorique (lié à la pensée) et l’esprit pratique (lié à la volonté). Enfin, le chapitre 6 explore le vaste domaine de la maladie mentale en mettant en évidence la spécificité de la vision qu’en propose Hegel. Dans la maladie mentale, le sujet reste, dans tous les cas, doué de rationalité et de pensée. Il ressort finalement de cette interprétation des sphères anthropologique et psychologique des activités humaines que, chez Hegel, elles sont à coup sûr imprégnées de Gefühle et, en même temps, ne sont jamais séparées de la pensée rationnelle.

Claudia MELICA (Università di Roma « La Sapienza »)

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Pour citer cet article : Caterina MAURER, La razionalità del sentire. Gefühl e Vernunft nella Filosofia dello spirito soggettivo di Hegel, Padova, Verifiche, 2021, 321 p., in Bulletin de littérature hégélienne XXXIII, Archives de philosophie, tome 86/4, Octobre-Décembre 2023, p. 149-186.

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