Auteur : Jean-Michel Muglioni

MOREAU, Denis, La philosophie de Descartes, Paris, Vrin, « Repères », 2016, 204 p.

L’A. réussit un petit livre qui correspond bien à l’intitulé de la collection Repères chez Vrin. Il donne à l’apprenti de quoi se repérer dans l’œuvre de D. : une utile biographie, 110 p. d’exposé de la pensée de D., 35 p. de présentation de ses œuvres et une conclusion : « La métaphysique, l’ordre et la vraie vie ». D’utiles mises au point sur les contresens récurrents, par exemple sur l’assimilation cartésienne de la pensée et de la conscience, généralement incomprise (p. 87-88), sur ce qu’on appelle le dualisme cartésien et l’union de l’âme et du corps (p. 122-130), ou encore sur le prétendu solipsisme de D. (passim). Les p. 68-72 constituent un bref chapitre sur la géométrie qui devrait aider l’étudiant à comprendre la place des mathématiques dans la pensée de D.

Jean-Michel MUGLIONI

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Pour citer cet article : Jean-Michel MUGLIONI, « MOREAU, Denis, La philosophie de Descartes, Paris, Vrin, 2016 » in Bulletin cartésien XLVIII, Archives de Philosophie, tome 82/1, Janvier-mars 2019, p. 143-224.


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SÉGUY-DUCLOS, Alain, Descartes. Une crise de la raison, Paris, Belin, « Le chemin des philosophes », 2017, 368 p.

Ce livre n’est pas un ouvrage d’initiation, mais une interprétation du rationalisme cartésien et de son échec nécessaire, finalement dû au désir irrationnel de vérité de D. Car il faut entendre ici interprétation non pas seulement dans la perspective d’une histoire de la philosophie depuis les Grecs (comme c’est en effet aussi le cas) mais au sens psychanalytique (D. en effet a oublié que sa mère était morte non après sa naissance mais après celle d’un enfant mort lui-même trois jours plus tard !). Ce genre de pensée a ses adeptes. Mais s’il s’agit de comprendre D. et l’idée de la vérité et de la raison qu’il propose, une telle virtuosité interprétative ne peut produire que de la confusion. Ainsi le « sujet » cartésien aurait pour ancêtre l’homme-mesure de Protagoras (celui du Théétète), et D. aurait repris l’idée de la raison conçue sur le modèle mathématique déjà présente elle aussi bien avant lui : le cartésianisme prétendant accorder ces deux courants de pensée était voué à l’échec. Mais l’A. a beau s’en défendre dans une courte note p. 6, n’est-ce pas non seulement un mouvement rétrograde du vrai mais même, et surtout, un simple contresens, que de voir dans l’homme-mesure de Protagoras un sujet ? N’est-ce pas confondre la subjectivité, principe de la relativité des goûts et des couleurs, et le sujet de la connaissance dont la singularité est d’un autre ordre que la particularité de l’homme-mesure, lequel précisément n’est sujet ni au sens scolastique de substance, ni au sens que nous donnons à ce terme bien après D. pour désigner le je, sujet d’une pensée universelle ? Leibniz comprendra, qui ne sépare pas les monades de Dieu. Autre contresens : opposer à l’exclusion cartésienne du probable la science contemporaine qui l’admettrait. Ce que D. appelle probable est-il du même ordre que le probable mathématiquement déterminé par le calcul des probabilités ? Autant il faut noter la richesse d’un livre qui compare D. à tous les auteurs de la tradition philosophique, autant il faut regretter que la philosophie cartésienne et finalement toute doctrine philosophique soit considérée comme un « modèle » inventé par chaque auteur, sans que jamais paraisse un discours philosophique susceptible de vérité ou de fausseté.

Jean-Michel MUGLIONI

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Pour citer cet article : Jean-Michel MUGLIONI, « SÉGUY-DUCLOS, Alain, Descartes. Une crise de la raison, Paris, Belin, « Le chemin des philosophes », 2017 » in Bulletin cartésien XLVIII, Archives de Philosophie, tome 82/1, Janvier-mars 2019, p. 143-224.


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SPALLANZANI, Mariafranca, Descartes. La règle de la raison, Paris, Vrin, « Bibliothèque des philosophes », 2015, 276 p.

L’A. entend ici retracer tout l’itinéraire philosophique et scientifique de D. Elle suit à la fois l’ordre des raisons et les controverses philosophiques, scientifiques et religieuses de l’époque. Sa sympathie pour D. est de bon aloi : c’est bien D. qu’elle veut nous présenter, philosophe et savant, homme aussi, et non les polémiques philosophiques de notre temps. Ainsi, elle ne sépare pas le philosophe et le savant et ne donne pas à la métaphysique – encore moins à l’ontologie – la place considérable qu’on lui donne parfois lorsque dans les écoles on commente les seules Méditations. La finalité explicite de la métaphysique est bien de fonder la physique. La brièveté de l’ouvrage ne permet pourtant pas de développer le propos et de faire les analyses de notions qui éclaireraient sans doute davantage la pensée cartésienne. Cette rapidité est particulièrement manifeste dans l’Annexe V qui ne peut que donner une idée très insuffisante de la manière dont D. a été lu depuis 1650. Bref, une belle ambition, mais un volume qui n’en permet pas l’expression complète.

Jean-Michel MUGLIONI

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Pour citer cet article : Jean-Michel MUGLIONI, « SPALLANZANI, Mariafranca, Descartes. La règle de la raison, Paris, Vrin, 2015 » in Bulletin cartésien XLVIII, Archives de Philosophie, tome 82/1, Janvier-mars 2019, p. 143-224.


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