Auteur : Lorenzo Rustighi
Antonio LUONGO, Della « verità che sta nella potenza ». Hegel e la critica del diritto ‘pubblico’ tedesco nella Costituzione della Germania, Torino, Giappichelli, 2018, 104 p.
Le travail d’Antonio Luongo se focalise sur les fragments hégéliens consacrés à la Reichsverfassung entre 1799 et 1803, version préliminaire de la Reinschrift qui aurait dû voir le jour en 1803 ; il montre de manière convaincante que ce moment de la pensée de Hegel nous permet d’interroger la genèse des œuvres de la maturité aussi bien d’un point de vue éminemment spéculatif que du point de vue de sa philosophie du droit. Luongo analyse en premier lieu l’évolution du concept de Verfassung chez Hegel à partir de ses études à Stuttgart, à Tübingen, à Berne et à Francfort, en ayant pour objectif de montrer comment le jeune Hegel passe d’une définition générale du concept, ancrée dans la tradition ancienne et liée aux mœurs et aux caractères des nations, à une opposition plus déterminée entre bürgerliche Verfassung en tant que constitution de l’État et geistlicher Staat entendu comme un lien communautaire axé sur la confession religieuse. L’examen de l’auteur porte ensuite sur l’attitude de Hegel face à la condition historique de l’Empire, attitude qui est à la fois de douleur patriotique, à la hauteur d’une crise dont la Révolution française a fait émerger la structure, et de sobre réalisme quant à la nécessité d’élaborer de nouvelles catégories. Luongo souligne que l’argumentation hégélienne se fonde sur la constatation que « Deutschland is kein Staat mehr » et sur l’observation que « Was nicht mehr begriffen werden kann, ist nicht mehr » : si la situation politique de l’Allemagne n’a plus de consistance réelle-rationnelle, c’est que depuis la paix de Westphalie l’Empire est devenu un ensemble de parties liées par des relations de droit privé et a donc perdu l’unité constitutionnelle jadis garantie par la façon ancienne d’organiser la « liberté des Allemands ». C’est pourquoi Luongo concentre son attention sur la critique hégélienne de la science allemande du droit public entre le XVIIe et le XVIIIe siècle, qui porte notamment sur des figures telles que Hyppolitus a Lapide, Hermann Conring et Gottfried Achenwall. Hegel distingue pour ainsi dire entre une science du droit des anciens et une science du droit des modernes : tandis que les juristes anciens s’efforcent de définir la souveraineté de l’État allemand – c’est la thèse de Luongo – en revanche, la science moderne du droit s’avère incapable de produire un concept rationnel de l’État qui prenne au sérieux le principe de la liberté française en se limitant à une description extrinsèque de la déliaison politico-juridique qui caractérise désormais l’Allemagne. De ce point de vue, l’argumentation hégélienne intègre la critique de la conception contractuelle de l’État instaurée par les doctrines du droit naturel. Le livre de Luongo nous offre en définitive une reconstruction indéniablement intéressante de la pensée politique du jeune Hegel. Il faut néanmoins observer que, par-delà la grande quantité de coquilles qui rendent parfois la lecture pénible, une approche plus attentive à la question constitutionnelle aurait peut-être été bénéfique à l’analyse. Il nous semble notamment imprécis de situer la réflexion de Hegel sur un chemin qui conduirait simplement vers un État souverain allemand, surtout si l’on suggère de façon erronée que la science du droit du début du XVIIe siècle s’était fixé cet objectif, alors que le problème proprement hégélien est davantage de penser l’unité dans la pluralité que de penser la souveraineté, ainsi que Luongo paraît parfois le reconnaître.
Lorenzo RUSTIGHI (Università degli Studi di Padova/Universidad de Buenos Aires)
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Pour citer cet article : Lorenzo RUSTIGHI, « Antonio LUONGO, Della « verità che sta nella potenza ». Hegel e la critica del diritto ‘pubblico’ tedesco nella Costituzione della Germania, Torino, Giappichelli, 2018 », in Bulletin de littérature hégélienne XXIX, Archives de Philosophie, tome 82/4, Octobre-décembre 2019, p. 815-852.