Auteur : Marco Spagnuolo

Marco DEMURTAS : Illuminismo radicale. La filosofia di Spinoza alle origini della democrazia moderna, Roma, Carocci, 186 p.

Dans son premier livre, Marco Demurtas offre une analyse de la recherche de Jonathan Israel sur la présence de Spinoza dans le débat des Lumières autour de la conception démocratique de l’État, de la religion, de l’éthique et du rôle social de l’intellectuel. Sa thèse se situe évidemment dans la suite de l’analyse plus large déjà tracée par Jonathan Israel dans ses deux célèbres volumes Enlightenment Contested et Democratic Enlightenment. En effet, comme le suggère le titre du livre, Demurtas reprend chez J. Israel la catégorie de « Lumières radicales », qui indiquerait une ligne matérialiste opposée à toute forme d’autorité (politique et religieuse). Il s’agit d’un mouvement interne aux Lumières qui s’est distingué par des positions « radicales » comme la tolérance envers les idées, une nouvelle conception de l’individu, une conception démocratique de la société et un rationalisme conçu en tant que « norme » du vivre social (p. 17).

On retrouve chez Demurtas le même problème relevé par Charles Ramond (« Sur le radicalisme paradoxal de Spinoza », Réponse à Jonathan Israel, in C. Jaquet, P.-F. Moreau et P. Sévérac (dir.), Spinoza Transatlantique. Les interprétations américaines actuelles, Paris, Éditions de la Sorbonne, 2020, p. 200-305) dans l’analyse d’Israel : la superposition des concepts qui sont proprement ceux des Lumières aux concepts spinozistes dans lesquels on voudrait retrouver leur source. Ainsi, selon l’auteur, il y aurait une reprise de la pensée spinozienne derrière les propositions d’abolition des privilèges et de laïcisation de l’État, orientée par l’idée que la Raison serait l’unique facteur du progrès (p. 26). Il s’agit ainsi d’affirmer que Spinoza n’est pas à la base d’une critique radicale du finalisme, mais qu’il propose juste sa sécularisation. En outre, il souligne à plusieurs reprises la paternité spinozienne de la conception qu’ont les Lumières d’une prédominance de la philosophie sur la théologie, sans faire aucune référence au chapitre xv du Traité théologico-politique entièrement dédié à la dénonciation d’un renversement analogue de sa critique du paradigme théologico-politique. Troisièmement, Demurtas radicalise la lecture de Jonathan Israel, en affirmant que « la pensée spinozienne subvertit les bases de l’organisation civile » et que « la philosophie de Spinoza pousse l’incrédulité et l’irréligiosité jusqu’à en faire des formes explicites de l’athéisme » (p. 107, nous traduisons). Enfin, il propose une lecture « absolutiste » de la liberté spinozienne, parce que « Spinoza rapproche tous les individus, sans aucune sorte de distinction de race, de sexe, de couleur ou de stabilité mentale, dans la possibilité de […] pouvoir conduire leurs vies de la façon qu’ils estiment la meilleure, sans conditionnement ni oppression » (p. 163). Il semble oublier ainsi le problème de la participation à la citoyenneté, y compris en démocratie, des femmes et des serviteurs (cf. Matheron, Femmes et serviteurs dans la démocratie spinoziste, in Revue Philosophique de la France et l’Étranger », 167 (2), p 181-200), et des fous.

Marco SPAGNUOLO

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Pour citer cet article : Marco DEMURTAS : Illuminismo radicale. La filosofia di Spinoza alle origini della democrazia moderna, Roma, Carocci, 186 p., in Bulletin de bibliographie spinoziste XLIII, Archives de philosophie, tome 84/4, Octobre-Décembre 2021, p. 181-218.

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