Auteur : Sean McStravick
Xiaomang DENG, A New Exploration of Hegel’s Dialectics I. Origin and Beginning, Abingdon-on-Thames, Routledge, 2022, 134 p.
Cet ouvrage, premier d’une série de trois volumes consacrés à la dialectique, entreprend d’éclairer la signification de cette dimension fondamentale de l’hégélianisme en exhibant les « leviers » qui gouvernent son commencement. L’approche est stimulante : l’auteur prend l’affirmation hégélienne d’une unité du logique et de l’historique au sérieux et, suivant ce fil, procède à l’examen des deux espèces de « début » de la dialectique, celui de ses origines historiques et celui de son commencement effectif au sein du système hégélien.
Une première partie examine les origines grecques de la dialectique, et propose à la fois une analyse de sa genèse historique – parcourant les jalons de son apparition comme méthode des Milésiens jusqu’à Aristote –, et une analyse spéculative du développement de la philosophie – montrant comment les différentes écoles ont progressé dialectiquement dans la détermination des principes de la nature. L’auteur cherche donc à montrer que l’histoire de l’émergence des catégories logiques est proprement dialectique. Cette partie, divisée en deux chapitres, soutient que la dialectique hégélienne a hérité d’un double levier. Levier « linguistique » ou logique d’une part, selon lequel la dynamique de l’histoire de la philosophie ressortit à la fonction sémantique d’inversion du particulier en universel, et donc à la détermination de l’universalité des concepts. Levier « existentiel » ou phénoménologique d’autre part, selon lequel le développement de la philosophie dépend de contradictions sans cesse reconduites entre la pensée et le flux des choses.
Une seconde partie aborde la question du commencement de la dialectique chez Hegel. Deux chapitres analysent tour à tour le commencement de la Science de la logique et celui de la Phénoménologie de l’esprit, et cherchent à clarifier les raisons permettant de poser la « certitude sensible » et l’« être » comme catégories de base du mouvement dialectique tout en évitant le risque d’une régression à l’infini. Un troisième chapitre étudie le démarrage dialectique de ces deux textes et montre que la différence de ces commencements constitue moins une contradiction qu’elle ne fait voir la spécificité de la dialectique hégélienne. Le fait que les catégories logiques soient présupposées dans le mouvement phénoménologique et que ce dernier soit présupposé dans le point de vue du savoir pur fait signe vers l’existence d’un nœud – celui d’un rappel réciproque de « l’existentiel » dans la Logique et du « linguistique » dans la Phénoménologie – révélateur du caractère idéaliste de la dialectique hégélienne.
Malgré la richesse de l’ouvrage, trois limites sont à relever. D’abord, si l’édition comporte un index utile et complet, certains renvois textuels ne sont pas établis sur la base de références précises, ce qui entrave la discussion scientifique. Ensuite, on regrette que, sur certaines questions, l’état de l’art contemporain ne soit pas mobilisé. En particulier, la notion d’un levier sémantique de la dialectique hégélienne aurait bénéficié d’une discussion avec les travaux de Robert Brandom. Enfin, dans la mesure où, d’une part, le statut du texte de 1807 a changé pour Hegel entre 1813 et 1831 et, d’autre part, Hegel a substitué en 1817 à la « phénoménologie » une « anthropologie » comme point de départ de l’étude de l’esprit, il est regrettable que l’auteur ne prenne pas acte de ce problème de structure systématique et ne s’explique pas sur les raisons de penser la Phénoménologie et la Logique sur un même plan.
Pour autant, ce texte constitue un réel effort de saisie de la dialectique hégélienne dans toute son ampleur. De plus, les analyses sont constamment enrichies par un dialogue serré avec d’autres traditions philosophiques : l’auteur tisse des correspondances très originales entre la philosophie hégélienne et la philosophie chinoise, et confronte méthodiquement sa lecture de Hegel avec l’herméneutique de Gadamer et la critique marxienne de l’idéalisme.
Sean MCSTRAVICK (Sorbonne Université)
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Pour citer cet article : Xiaomang DENG, A New Exploration of Hegel’s Dialectics I. Origin and Beginning, Abingdon-on-Thames, Routledge, 2022, 134 p., in Bulletin de littérature hégélienne XXXIII, Archives de philosophie, tome 86/4, Octobre-Décembre 2023, p. 149-186.