Auteur : Soheil Ghanbari Matin

Nikos FOUFAS, La Critique de la positivité chez le jeune Hegel, Paris, L’Harmattan, 2018, 168 p.

L’auteur se propose d’analyser la genèse et l’évolution des concepts du positif et de la positivité dans les écrits hégéliens de jeunesse en tant que ces concepts préfigurent celui d’aliénation. En acceptant la qualification de ces textes comme « théologiques » par Nohl, le point de départ de l’ouvrage s’enracine dans l’idée de la positivité religieuse en tant qu’imposition d’une vérité extérieure par un pouvoir objectif et étranger à l’individu humain.

Assumant de ne pas traiter son sujet de manière exhaustive, sans pour autant justifier cette décision, l’auteur déploie son analyse selon un schème oppositionnel comprenant deux pôles, à savoir ceux de la « conscience individuelle vivante » et de « l’objectivité hostile ». Le premier pôle serait régi par l’hétéronomie, et le deuxième se consoliderait en tant que forces et lois étrangères contraignantes. Dans ce cadre, la forme positive des croyances engendre la perte, « de la part de l’être humain, de la maîtrise de sa propre vie et du rapport à soi-même, à la nature, la communauté humaine et Dieu ». Partant, l’auteur tente de mettre en évidence la manière dont se décline cette thématique dans les textes hégéliens de Tübingen (1788-1793), de Berne (1793-1797) et enfin de Francfort (1797-1800).

Selon Nikos Foufas, dans les écrits de Tübingen, la religion objective se sépare de la religion subjective comme la théologie de la religion du cœur. Au contraire de la première, la religion subjective seule permettrait la fondation d’une religion à la fois populaire, rationnelle et vivante, et cela, sous la forme d’une croyance animant la totalité du vécu de l’individu sans qu’il y ait séparation entre sa sensibilité et les principes de sa foi ; séparation qui, si elle venait à avoir lieu, transformerait ceux-ci en un credo abstrait et formel. Or une telle séparation serait à l’œuvre au sein du judaïsme et du christianisme. Elle fait dès lors l’objet des critiques de Hegel, la mesurant à l’aune des fêtes populaires qui étaient aussi des fêtes religieuses dans la Grèce antique.

D’après l’auteur, Hegel prolongerait à Berne sa critique tant de l’extériorité des rites et du légalisme du judaïsme que de la positivité de la religion chrétienne. La singularité de la figure de Jésus servirait ici à Hegel de point d’appui pour sa critique, la centralité de la référence à la Grèce antique cédant dès lors sa place à des considérations sur la vie de Jésus. En insistant sur les aspects personnels et intérieurs de la croyance professée par Jésus, Hegel thématiserait dans cette période un concept d’amour lui apparaissant en tant qu’élément d’unification et moyen de restauration de ce qui s’est trouvé « déchiré » dans les rapports humains.

Enfin, dans les textes francfortois du jeune Hegel, à travers son investigation de la critique de la positivité, ce sont les concepts de destin, de réconciliation et un usage fréquent du concept d’Aufhebung qui retiennent l’attention de l’auteur. Ce dernier juge les textes de cette période capitaux pour l’évolution intellectuelle d’un Hegel qui entamerait alors ses études des travaux en économie politique de son époque.

Il nous faut signaler la présence de trop nombreux défauts formels de ce livre. En comparant le texte qu’il publie aux éditions L’Harmattan et la version de sa thèse doctorale disponible en accès libre sur Internet, nous regrettons que l’auteur se soit contenté d’un simple copier-coller d’une partie de celle-ci sans se donner la peine d’harmoniser le propos et la structure de son texte ainsi isolé. Les trop nombreux défauts formels, syntaxiques et grammaticaux engendrent d’inévitables confusions qui empêchent une pleine compréhension du propos. L’argumentation de l’auteur s’en trouve en effet bien moins articulée que celle du résumé qui vient d’en être fait dans les lignes qui précèdent.

Quant au contenu de son argumentaire, s’il ne se contredit pas, l’auteur procède selon nous à un commentaire répétitif et simplificateur des textes hégéliens. C’est malheureusement sans originalité que l’auteur ne retient de ces textes que l’idée générale qu’il s’en est faite à partir de l’interprétation lukacsienne du jeune Hegel.

Soheil GHANBARI MATIN (Université de Liège)

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Pour citer cet article : Soheil GHANBARI MATIN, « Nikos FOUFAS, La Critique de la positivité chez le jeune Hegel, Paris, L’Harmattan, 2018 », in Bulletin de littérature hégélienne XXIX, Archives de Philosophie, tome 82/4, Octobre-décembre 2019, p. 815-852.

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