EnglishTome 84, cahier 3, Juin-Septembre 2021

Spinoza révolutionnaire ? La lecture de Gilles Deleuze

Jean-Baptiste Vuillerod, Spinoza révolutionnaire ? La lecture de Gilles Deleuze. Avant-propos

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Juan Manuel Ledesma Viteri, Éternité et durée selon Spinoza. Sur une remarque de Deleuze dans Différence et répétition

Cet article interroge la construction de la philosophie de Gilles Deleuze à partir de son rapport à la pensée de Spinoza. En partant d’une remarque dans Différence et répétition au sujet de l’ontologie spinozienne, nous interrogeons à la fois le problème du temps et de l’éternité chez Spinoza et la genèse de l’ontologie deleuzienne de la différence dans la mesure où elle s’affirme comme héritière de l’affirmation spinozienne de l’univocité de l’être.

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Igor Krtolica, Philosophie critique et philosophie politique

L’affinité de Deleuze avec Spinoza a été précoce, profonde et constante. Mais la chronologie de l’œuvre deleuzienne montre surtout que la présence de Spinoza y a été particulièrement intense autour de la décennie 1970, c’est-à-dire de part et d’autre de L’Anti-Œdipe et de Mille plateaux, comme si elle encadrait la philosophie politique deleuzo-guattarienne. C’est cette histoire dont nous restituons ici quelques éléments, afin de montrer comment l’évolution de la lecture deleuzienne de Spinoza a suivi les développements de la philosophie politique deleuzo-guattarienne.

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Antonio Negri, Deleuze/Spinoza. Un devenir-politique

Cet article s’interroge sur le sens du rapprochement entre Spinoza et Masaniello opéré par Gilles Deleuze et Félix Guattari dans L’Anti-Œdipe. L’enjeu est de penser une puissance révolutionnaire irréductible à la manière dont se pensait la révolution dans les partis ou les groupuscules d’extrême gauche au moment de Mai 68. Contre le cloisonnement ascétique du désir, Deleuze et Guattari inventent grâce à Spinoza un mode d’être révolutionnaire absolument nouveau : celui d’une libération désirante des singularités nomades qui, en se rencontrant et en s’organisant, créent des collectifs dans lesquels les rapports de pouvoir et la hiérarchie ne reviennent pas entraver les flux du désir. La déception qui a fait suite aux espoirs portés par Mai 68 s’explique en partie par une insuffisante réflexion sur la question de l’institution et sur la manière d’institutionnaliser ces puissances révolutionnaires. Les écrits de Deleuze et Guattari eux-mêmes révèlent l’impasse de cette génération et nous permettent de mieux comprendre ce que signifie, pour nous, aujourd’hui, la révolution.

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Pierre-François Moreau, Amsterdam-Naples. Aller et retour

Un détail dans la Vie de Spinoza rédigée par Colerus a pu faire penser que l’auteur du Traité théologico-politique s’était, dans un dessin, représenté sous les traits de Masaniello le chef de l’insurrection de Naples en 1647. Est-ce compatible avec la critique des révolutions, et notamment du tyrannicide, que l’on croit pouvoir lire dans le Traité ? En fait, l’analyse spinozienne des bouleversements des États est plus nuancée : l’indignation qui est à la base des révolutions peut être parfois conforme à la Raison ; et le jugement porté sur le peuple est différent suivant qu’il s’agit d’une foule esclave animée par la crainte ou d’une multitude libre animée par l’espérance.

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Silvia Lippi, Le schizophrène et les trois genres de connaissance

Y a-t-il un rapport entre l’idée adéquate de Spinoza et la pensée inconsciente chez Freud ? Nous pouvons en effet envisager la fin de l’analyse comme un parcours entre les différentes structures cliniques : névrose, psychose et perversion. Le schizophrène arrive d’emblée à réaliser ce parcours : il traverse la limite entre les structures, en affirmant simultanément leurs différences. Le problème se pose au niveau du lien social, où le schizophrène est blâmé et mis à l’écart : son dire reste en dehors de tout discours établi, écrit Lacan dans L’étourdit. Comment penser alors la force politique du corps sans organes du schizophrène ? Et en quoi relève-t-il, selon notre hypothèse, du troisième genre de connaissance ?

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Ives Radrizzani, Fichte et la tradition mystique

Cette contribution vise à répertorier les traces d’une influence de la mystique dans le corpus fichtéen et à définir un cadre interprétatif pour expliquer le recours par Fichte à un langage mystique dans l’Initiation à la vie bienheureuse. Un examen attentif des diverses sources laisse apparaître que la tradition mystique et Jacob Böhme en particulier, portés par un puissant souffle poétique, peuvent remplir à l’égard de la philosophie un rôle propédeutique par leur capacité à élever le public au suprasensible, mais doivent également y borner leurs prétentions. Fichte dénonce en effet sur un plan philosophique leur caractère dogmatique et ne leur accorde de valeur qu’éclairés par la critique.

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José Luis Moreno Pestaña, Foucault, Castoriadis et la démocratie athénienne

Cet article analyse la lecture effectuée par Foucault de la démocratie athénienne des années 80 et la compare à la lecture de Cornelius Castoriadis. L’article propose donc deux interprétations différentes de la figure de Périclès par deux philosophes. Nous montrons que notre compréhension de l’idéologie de Foucault est plus profonde que notre compréhension de la réalité historique et des projets politiques de Périclès.

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Bulletin leibnizien VII

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Bulletin de philosophie médiévale XXII

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La pensée de la politique serait bien la dernière et le terme de la philosophie spinoziste. Dès lors, le titre Spinoza révolutionnaire ? La lecture de Gilles Deleuze ne manquera pas de susciter réactions ou réserves, voire mouvements d’humeur : « Deleuze, son rapport à Spinoza. Encore ! » Pourtant, dès les premières lignes de ce dossier, le ton qui lui est propre et marque son originalité est donné, la perspective qui en conduit la construction et la progression, clairement posée : la politisation de Spinoza, philosophe penseur du commun selon l’horizon indiqué par Jean-Baptiste Vuillerod dans son avant-propos. Les articles, finement attentifs à la lettre des écrits de Spinoza, conduisent pas à pas vers cette idée en lui donnant toute sa consistance.

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Loin de se limiter aux écrits politiques de Spinoza, l’ensemble de ces articles s’appuie sur divers champs de son œuvre entière – ontologie, épistémologie, correspondances, etc. – et travaille à partir de l’histoire de la philosophie. Cette histoire ne sert pas à illustrer le propos
de ces articles mais elle livre la matière même du devenir politique de Spinoza selon Deleuze, qui le lit et le médite à la fois : ce dont traite le dossier. Ce dernier, en effet, met clairement en évidence l’importance de cette histoire. Le lecteur y remarquera ainsi la place occupée par la Renaissance dans la philosophie de Deleuze, de même que le rôle joué par Hegel. Hegel lui ap­paraît comme philosophe du concret et de la liberté et pas seulement comme « penseur » de l’idéalisme allemand ou de la seule résolution dialectique des tensions contradictoires : celles internes au spinozisme, celles des existences singulières dans leurs rapports aux institutions sociales et politiques. Des institutions et lois qui ne sauraient se soustraire à leur propre devenir au fil du temps et des contextes.

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Spinoza révolutionnaire ? La lecture de Gilles Deleuze défriche alors un chemin qui amène au fond de la pensée de Spinoza et de sa modernité : la présence de la politique, la présence au politique avec un problème philosophique majeur et récurrent, celui du fondement de la loi, immuable et variable à la fois. Ce fondement n’est pas à chercher du côté d’une métaphysique ou d’une théologie, ni d’une anthropologie. Il est à réfléchir à partir de la notion de corps – politique, social, éthique – qui, de même que le corps et l’esprit d’un homme, peut être frappé de maladies : celle de la tyrannie, qu’il faut alors abolir, celle de l’anarchie, quand la loi est écartée ou ne parle plus aux hommes comme ce qui leur permet de vivre et d’agir en ayant conscience d’être membre d’un corps commun et de s’y engager. Ce n’est alors pas seulement de la modernité de Spinoza qu’il s’agit, mais bel et bien de son actualité.

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