EnglishTome 84, cahier 2, Avril-Juin 2021

La vieillesse chez les Anciens
Enjeux antiques, débats d’actualité

La vieillesse chez les AnciensVincent Darveau-St-Pierre & Laetitia Monteils-Laeng, La vieillesse chez les Anciens. Enjeux antiques, débats d’actualité. Avant-propos

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Andrea Falcon, La longévité comparée des plantes et des animaux selon Aristote

Notre propos est ici d’examiner dans quelle mesure Aristote atteint son objectif. Pour ce faire, nous nous concentrerons sur l’approche explicative adoptée dans le traité De longitudine et brevitate vitae (De la longévité et de la vie brève), où Aristote se propose de rendre compte de la longévité, sans se limiter aux animaux. Nous discuterons des perspectives que peut ouvrir une telle étude commune aux animaux et aux plantes, mais aussi de ses éventuelles limites. Dans quelle mesure Aristote est-il capable de traiter ensemble la question de la longévité des animaux et des plantes ? La réponse à cette question est au cœur de notre article.

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Vincent Darveau-St-PierreLe remède hippocratique contre l’âgisme

En décrivant la vieillesse comme l’une des modalités d’équilibre possibles des qualités premières qui assurent une santé à l’individu, les auteurs du Corpus hippocratique évitent d’associer systématiquement le vieillissement et la dégénérescence. Cet aspect singulier du corpus comporte pour nous un intérêt éthique : il prémunit contre l’âgisme médical. Cet article aborde la question des différences physiologiques qui caractérisent chacun des âges de la vie en insistant sur le fait que cette conception favorise un traitement égalitaire des patients relativement à l’âge.

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Isabelle Chouinard,  Perdre des atomes. La vieillesse selon Démocrite

Dans les fragments éthiques, Démocrite présente la vieillesse comme un âge où la modération se manifeste plus facilement que dans la jeunesse (68B294 DK). Le fait qu’il décrive aussi la vieillesse comme une « mutilation intégrale (πήρωσις ὁλόκληρος) » (68B296 DK) laisse croire que sa théorie atomiste a pu servir à rendre compte du phénomène. Comprise comme une perte d’atomes dans toutes les parties du corps, la πήρωσις entraîne avec elle des fuites d’atomes psychiques qui peuvent avoir un effet sur le tempérament des vieillards. Si cette hypothèse est juste, elle s’ajoute au nombre des liens possibles entre la théorie atomiste et les pensées morales de Démocrite.

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Véronique Boudon-MillotDe l’absence de vieillesse à la belle vieillesse. Promesses des philosophes et des médecins

En partant des quatre uniques emplois d’agèrasia (absence de vieillesse) recensés dans l’ensemble de la littérature grecque, et en s’attachant à clarifier les liens entretenus entre agèrasia et athanasia (immortalité), mais aussi agèrasia et eugèria (belle vieillesse), on s’efforcera de définir quelles représentations exactes de la vieillesse véhicule le recours à ce vocabulaire, à la fois chez un médecin comme Galien et chez des philosophes comme Aristote et Philon d’Alexandrie.

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François Prost, La vieillesse dans le Cato Maior de senectute de Cicéron

Le présent article étudie le traité de Cicéron intitulé Cato Maior de Senectute. Il évoque d’abord le contexte et les circonstances de la rédaction de cette œuvre, puis examine les précédents et modèles de la réflexion cicéronienne. Celle-ci se construit comme une leçon de sagesse qui mobilise les ressources propres de l’âge en vue de la réalisation du bonheur dans la vieillesse. Le discours du personnage de Caton prend la forme d’une apologie du grand âge, en réponse à quatre griefs concernant l’activité, l’état physique, les plaisirs, et l’approche de la mort. Cette leçon trouve un écho dans les suggestions modernes des éthiques du soin.

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Laetitia Monteils-Laeng, Que vaut l’expérience de la vie ? Lucidité platonicienne, amertume aristotélicienne

Un passage du Sophiste (234a-e) de Platon semble avancer que sous l’effet de l’âge et des épreuves subies au cours de nos actions, nos opinions se transforment, nos illusions se dissipent. La Rhétorique (II, 13) d’Aristote semble à l’inverse dévaloriser l’expérience accumulée au cours de l’existence. Quels sont les effets du passage du temps sur ce que nous pensons et éprouvons chez Platon et Aristote? Tel est le problème que se propose d’explorer cet article chez Platon et Aristote.

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Quentin Gailhac, Reproduire l’origine. Sur deux lectures classiques du De musica de Plutarque

Les deux réceptions du De musica de Plutarque par Pierre-Jean Burette et Jean-Jacques Rousseau interrogent de deux manières dissemblables le rapport qu’entretiennent les découvertes musicales originaires et leur appropriation sensible à la faveur de l’usage. Pensé comme habitude par Burette, l’usage permettra d’historiciser l’origine sans radicaliser la singularité des circonstances. En refusant de conférer à l’usage une telle souplesse, au nom d’une dégénérescence irréversible de l’histoire musicale, Rousseau historicisera l’origine au point d’une non-reproductibilité des circonstances.

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Paul RateauDémontrer Dieu : Leibniz et l’argument de la création continuée

Cet article vise à apporter un éclairage sur les trois textes de 1888 que Nietzsche a intitulés « Anti-Darwin », à savoir un paragraphe du Crépuscule des idoles et deux fragments posthumes. Mon objectif est plus précisément de comprendre pourquoi l’expression « Anti‑Darwin » apparaît seulement en 1888, sachant que Nietzsche avait déjà adressé des critiques au darwinisme dans son œuvre antérieure, mais sans recourir à cette formule spécifique. Ma thèse est que les trois textes « Anti-Darwin » font partie du projet de transvaluation générale des valeurs qui caractérise l’année 1888.

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Jean-Baptiste Vuillerod, Hegel, l’histoire du monde et la conquête des mers

L’article se propose de confronter les propos du jeune Hegel sur l’élément marin aux propos de la maturité tenus dans les leçons sur la Philosophie de l’histoire. Il montre que là où les écrits de jeunesse insistaient sur l’événement biblique du déluge et voyaient dans la mer un élément hostile, l’œuvre hégélienne ultérieure fait de la conquête des mers un moment fondateur de l’histoire du monde et du mouvement de l’esprit des peuples vers la liberté. Loin de se réduire au motif d’une maîtrise et d’une domination de la nature, cette conquête des mers est à comprendre comme une nouvelle alliance formée par les sociétés humaines et leur environnement naturel.

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logo des Archives de philosophieLa pensée de la politique serait bien la dernière et le terme de la philosophie spinoziste. Dès lors, le titre Spinoza révolutionnaire ? La lecture de Gilles Deleuze ne manquera pas de susciter réactions ou réserves, voire mouvements d’humeur : « Deleuze, son rapport à Spinoza. Encore ! » Pourtant, dès les premières lignes de ce dossier, le ton qui lui est propre et marque son originalité est donné, la perspective qui en conduit la construction et la progression, clairement posée : la politisation de Spinoza, philosophe penseur du commun selon l’horizon indiqué par Jean-Baptiste Vuillerod dans son avant-propos. Les articles, finement attentifs à la lettre des écrits de Spinoza, conduisent pas à pas vers cette idée en lui donnant toute sa consistance.

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Loin de se limiter aux écrits politiques de Spinoza, l’ensemble de ces articles s’appuie sur divers champs de son œuvre entière – ontologie, épistémologie, correspondances, etc. – et travaille à partir de l’histoire de la philosophie. Cette histoire ne sert pas à illustrer le propos de ces articles mais elle livre la matière même du devenir politique de Spinoza selon Deleuze, qui le lit et le médite à la fois : ce dont traite le dossier. Ce dernier, en effet, met clairement en évidence l’importance de cette histoire. Le lecteur y remarquera ainsi la place occupée par la Renaissance dans la philosophie de Deleuze, de même que le rôle joué par Hegel. Hegel lui ap­paraît comme philosophe du concret et de la liberté et pas seulement comme « penseur » de l’idéalisme allemand ou de la seule résolution dialectique des tensions contradictoires : celles internes au spinozisme, celles des existences singulières dans leurs rapports aux institutions sociales et politiques. Des institutions et lois qui ne sauraient se soustraire à leur propre devenir au fil du temps et des contextes.

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Spinoza révolutionnaire ? La lecture de Gilles Deleuze défriche alors un chemin qui amène au fond de la pensée de Spinoza et de sa modernité : la présence de la politique, la présence au politique avec un problème philosophique majeur et récurrent, celui du fondement de la loi, immuable et variable à la fois. Ce fondement n’est pas à chercher du côté d’une métaphysique ou d’une théologie, ni d’une anthropologie. Il est à réfléchir à partir de la notion de corps – politique, social, éthique – qui, de même que le corps et l’esprit d’un homme, peut être frappé de maladies : celle de la tyrannie, qu’il faut alors abolir, celle de l’anarchie, quand la loi est écartée ou ne parle plus aux hommes comme ce qui leur permet de vivre et d’agir en ayant conscience d’être membre d’un corps commun et de s’y engager. Ce n’est alors pas seulement de la modernité de Spinoza qu’il s’agit, mais bel et bien de son actualité.

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