EnglishTome 85, cahier 2, Avril-Juin 2022

Formes de vie, formes de politique

Estelle Ferrarese, Formes de vie, formes de politique. Avant-propos

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Alexandra Richter, Donner à voir ce qui resterait invisible autrement. Goethe, Benjamin et la pensée des formes de la vie

Comme Wittgenstein, Walter Benjamin s’inspire pour ses travaux de la morphologie goethéenne en tant que sciences des formes de la vie. Pour son livre sur Paris, capitale du XIXe siècle, Benjamin affirme avoir transposé le concept goethéen de phénomène primitif « du domaine de la nature au domaine de l’histoire ». Ce transfert s’accompagne chez lui d’une critique de l’ontologisation du concept de « nature ». Or les travaux philosophiques de Benjamin sur les villes seront à leur tour contestés (par Adorno mais aussi Derrida) pour avoir ontologisé le concept d’« histoire » en se contentant d’une simple description des phénomènes, faisant fi de tout jugement. La discussion montre déjà les arguments de fond que l’on retrouve dans le débat actuel d’une possible critique des formes de vie.

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Jean-Baptiste Vuillerod, Former la vie. Bildung et forme de vie chez Hegel

Cet article cherche à comprendre en quel sens il est possible de parler de « forme de vie » dans le cadre de la théorie hégélienne de la Bildung. Par le terme de Bildung (formation, culture, éducation), Hegel pense l’activité qui consiste à former la vie, c’est-à-dire à faire passer la première nature de l’individu à une seconde nature sociale. De ce point de vue, la philosophie hégélienne entre en dialogue avec la philosophie sociale contemporaine dans une perspective naturaliste : elle permet de mettre en avant le rôle de la socialisation du corps naturel dans les relations de reconnaissance ou de domination.

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Raffaele Carbone, Formes de vie et dynamique historique chez Max Horkheimer

Cet article explore les significations de l’expression « formes de vie » chez Horkheimer et le rôle qu’elle joue dans son projet d’une Théorie critique de la société développée au cours des années 1930. Horkheimer considère les formes de vie comme des comportements et des habitudes qui se constituent dans le cadre de rapports de production spécifiques. Mais il utilise « forme de vie » également pour désigner la culture et ses domaines propres qui, imbriqués les uns dans les autres, sont des forces capables de maintenir ou de briser une forme sociale déterminée. En outre, par « forme de vie », il entend le résultat des relations entre les processus matériels d’une société et le développement des phénomènes culturels qui influencent les institutions et les hommes.

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Estelle Ferrarese, Difformer la vie. Réflexions adorniennes sur la transformation sociale

De multiples théories contemporaines font de la politique une affaire de création d’une nouvelle forme de vie ; il est postulé que c’est en vivant (autrement) que l’on transforme le monde. Deux logiques se distinguent : une politique de la discipline, et une politique de l’exubérance ou de l’informe. Cet article s’en détache pour dégager de la pensée d’Adorno les éléments d’une politique du difforme : il confère à la forme (et non à la vie) le rôle de maintenir une indétermination, pensant une forme qui n’oublie pas qu’elle est forme, qu’elle est issue d’un mouvement qui aurait pu être autre.

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Sandra Laugier, La forme logique de la vie

Les discussions contemporaines du concept fécond de forme de vie ont permis de mettre en évidence à quel point le concept de forme lui-même est essentiel chez Wittgenstein, structurant la continuité entre le premier et le second Wittgenstein. En passant de la « forme logique » au concept de forme de vie, Wittgenstein entend renoncer à une unité « de forme » pour passer à une « famille » de structures apparentées. Mais la logique ne disparaît pas – au contraire. Le point sur lequel s’appuie sa recherche reste bien la forme, entendue désormais comme pluralité de façons pour le langage de décrire le réel. Il importe donc de comprendre le concept de forme (de vie), Lebensform, non seulement comme une alternative au concept de règle, mais comme expression d’une nouvelle entente de la forme.

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Alain Patrick Olivier, Famille et formes de vie. Une discussion à partir de Hegel

Plusieurs auteurs utilisent le concept de « forme de vie », Lebensform, dans le domaine de la philosophie politique et sociale, en se référant à la philosophie de Hegel. Mais l’on ne trouve guère un tel concept dans son système. Dans cet article, nous menons une enquête sur l’origine et le sens de cette expression. Nous partons d’abord de la théorie de Rahel Jaeggi, nous faisons un détour par Eduard Spranger, avant de remonter à Hegel. Ensuite, nous discutons de la question de la famille comme cas particulier de forme de vie en confrontant la conception de Jaeggi aux textes de Hegel.

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Carlo Altini, Leo Strauss et le sionisme politique dans l’Allemagne de Weimar. Questions juives et problèmes allemands

Leo Strauss achève sa formation intellectuelle dans une Allemagne où le sionisme est une réalité consolidée et où le phénomène du « retour » (teshuvah) au judaïsme distingue une large partie de la jeunesse judéo-allemande, qui est insatisfaite du statut juif dans la modernité. Cet essai vise à identifier le parcours philo­sophique et politique du jeune Strauss qui, à partir de la crise de modernité caractéristique de la culture de Weimar, se démarque de celui de tous les auteurs (Cohen, Rosenzweig, Buber, Scholem etc.) et mouvements juifs (Wissenschaft des Judentums, sionisme politique, sionisme culturel, sionisme religieux etc.) du début du xxe siècle en Allemagne.

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Victor Béguin, La logique du fondement selon Hegel

L’article propose une étude de la conception hégélienne du fondement (Grund) telle que la présentent les textes de Hegel sur la logique. Son objectif est double : il s’agit de proposer une caractérisation du concept hégélien de fondement, et d’étudier, sur un cas précis, la manière dont la logique hégélienne produit une critique en acte de la métaphysique et de sa critique kantienne. Pour ce faire, l’analyse s’appuie non seulement sur les textes publiés par Hegel (Science de la logique et Encyclopédie), mais aussi sur des cahiers d’auditeurs des Leçons sur la logique, récemment publiés et encore peu exploités.

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Yoann Malinge, Participer à un groupe selon Sartre. Agir « avec » ou « comme » les autres

Nous interrogeons la participation d’un individu à un collectif dans la pensée de Sartre. Bien qu’ils agissent de la même manière, les agents n’ont pas toujours conscience qu’ils participent à un col­lectif ou bien telle n’est pas leur intention. Il faut alors se demander à quelles conditions l’action des agents peut devenir commune. Pour traiter ces perspectives, l’article étudie la série avant d’expliquer comment elle peut devenir un véritable groupe. Ainsi, il est possible de montrer l’originalité de la pensée sartrienne, comme forme d’individualisme qui met l’action au principe de la constitution du groupe.

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Bulletin de philosophie anglaise I

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logo des Archives de philosophie

Formes de vie, formes de politique, dirigé par Estelle Ferrarese, appartient aux dossiers de recherches qu’Archives de philosophie, fidèle à sa pratique éditoriale dès sa fondation il y a un siècle, publie régulièrement : des dossiers de recherches portées par une philosophie présente aux interrogations que les évènements et les courbures de l’histoire suscitent en l’homme aussitôt qu’il perçoit que ces évènements et ces courbures transforment, il ne sait trop comment, les sociétés et les espaces du monde où il vit et agit. Ainsi en fut-il ces dernières années avec les parutions de Faire l’histoire de la race en 2018, Le jugement en péril et Penser la politique en Islam en 2019, La médecine et ses humanismes en 2020, La vieillesse chez les Anciens. Enjeux antiques, débats d’actualité en 2021 et Philosophie de la photographie au début de cette année 2022.
Ces dossiers ont en commun de réunir des auteurs attentifs aux mouvements de leur époque, faibles ou forts mais significatifs à leurs yeux. Vigies de leur temps, ces auteurs travaillent les questions philosophiques qui en naissent. Ils s’appuient sur l’histoire de la philosophie grâce à laquelle ils se tiennent à juste distance de ces questions non sans hauteur de vue. Ils instaurent un dialogue patient et rigoureux entre la philosophie, d’un côté, et l’anthropologie, l’histoire, les sciences humaines, la culture, les techniques et les sciences, de l’autre. Ils campent ce dialogue même.

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Par sa conception et sa construction, Formes de vie, formes de politique invite le lecteur à parcourir, d’étape en étape et selon l’ordonnance de ses articles, un chemin de résonances entre la notion de forme et celle de vie quand forme et vie sont rapprochées et se mettent à interagir. Avancer sur ce chemin, c’est prendre congé d’une compréhension figée de la forme et de la vie selon laquelle d’un côté, il y aurait une forme disponible pour un contenu qu’elle délimiterait tout en permettant de l’identifier en tant que telle comme vie d’un vivant, et de l’autre, la vie en attente de formes déterminées pour être reconnue et nommée en tant que telle dans sa diversité.
Cette vie n’est pas, en effet, n’importe laquelle mais celle d’un vivant particulier, l’homme. Et les résonances, que le rapprochement opéré dans ce dossier entre forme et vie donne à entendre puis à voir, gravitent autour du devenir de la vie de l’homme ou de la vie en devenir de l’homme envisagé selon les différentes dimensions de son être et de son activité : personnelle et intérieure, privée et publique, de l’homme seul et en société, cette dernière étant elle-même déclinée du point de vue de la culture, de l’économie et de la politique, horizon de ce dossier. C’est bel et bien une philosophie du devenir de l’homme comme vivant dont Formes de vie, formes de politique est la présentation – au sens du terme allemand Darstellung. La présentation, mais aussi la proposition faite au lecteur d’en pressentir l’effectivité.

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En 1988, Archives de philosophie publiait le premier numéro d’un bulletin consacré à la philosophie de Hobbes, qui allait paraître par la suite chaque année sous le nom de Bulletin Hobbes jusqu’en 2016. Une pause s’imposait pour reprendre la conception de ce bulletin, en revoir la visée et la manière de faire, permettre une ouverture qui semblait alors devenue impossible. Confié à Éric Marquer, ce bulletin parut en 2018 sous le titre Bulletin d’études hob­besiennes, avec d’heureuses et nécessaires inflexions avant de devenir Bulletin de philosophie anglaise, publié dans ce volume.

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