EnglishTome 85, cahier 3, Juillet-Septembre 2022

De notre responsabilité pour la justice
Penser le politique avec Iris Marion Young

Marie Garrau, De notre responsabilité pour la justice. Penser le politique avec Iris Marion Young. Avant-propos

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Magali Bessone, Le concept d’intégration, effet essentiellement secondaire de la déségrégation raciale ?

L’article se propose dans un premier temps de contraster les arguments d’Elizabeth Anderson sur l’intégration comme impératif de justice et ceux de Iris Marion Young qui critiquent l’idéal d’intégration et lui préfèrent un idéal d’inclusion comme « solidarité différenciée ». Il procède dans un second temps à un test des arguments promouvant ou critiquant l’intégration en les (dé)plaçant dans un contexte français, où le concept relève d’un champ sémantique et d’une socio-histoire très différents de ceux du contexte nord-américain. L’article proposera, dans ce contexte, une défense qualifiée du concept d’intégration, conçu non comme un « impératif » ni un « idéal » mais plutôt comme un « effet essentiellement secondaire » de la déségrégation raciale.

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Claude GautierLa démocratisation effective de la société. Soutenir la comparaison entre Dewey et Young

La constitution des « publics » chez Dewey [1927] et la délibération inclusive chez Young [2000] visent la résolution d’un problème analogue, celui de la démocratisation effective de la société. Pour y parvenir, il faut, de part et d’autre, revenir au concept politique de « groupe » et le définir non pas ontologiquement – le critère d’identité par exemple – mais fonctionnellement comme une forme opératoire de structuration et de représentation d’intérêts communs. L’une des conditions de possibilité d’une telle approche des « groupes » suppose cependant la construction d’un savoir partagé. On montrera que cette condition demeure problématique dans sa réalisation et que, par conséquent, les difficultés auxquelles se heurtaient Dewey à propos des « publics » se retrouvent dans la théorie youngienne de la démocratie inclusive.

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Mathilde Unger, Le redéploiement des responsabilités politiques dans la mondialisation

Cet article étudie la notion de « responsabilité politique » définie par Young pour répondre au problème des injustices mondiales. Il tente d’expliquer pourquoi l’auteure prend pour point de départ le modèle de la responsabilité individuelle, écartée dès le xixe siècle pour penser la solidarité sociale, et montre que la responsabilité « politique » chez Young aboutit paradoxalement à la disqualification de l’action publique.

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Bertrand Guillarme, Injustice systémique et responsabilité des individus

Le lien établi par Young entre la participation d’un agent à la dynamique structurelle produisant l’injustice et sa responsabilité de combattre politiquement l’injustice est intuitivement attrayant, mais il doit être complété pour que la théorie de la responsabilité adossée à la connexion sociale soit intelligible et solide. Quelle est la signification de la responsabilité que Young attribue aux participants au système? Comment cette responsabilité est-elle normativement justifiée? De quelle manière les agents impliqués peuvent-ils la mettre en œuvre?

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Levinas – Merleau-Ponty
Résonances

Emmanuel de Saint Aubert, Levinas – Merleau-Ponty. Résonances. Avant-propos

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Dorothée Legrand, L’autre réplique. Lire Merleau-Ponty avec Levinas

La lecture ici proposée de Levinas et Merleau-Ponty est orientée par un principe d’irréductibilité, emprunté à Roland Barthes : ces auteurs assument-ils, et comment, une « résistance éperdue à tout système réducteur » ? Contre la réduction de l’homme à l’humain et à l’Être, Levinas aura engagé sa pensée dans l’éthique de l’autre homme. Or, Levinas lit chez Merleau-Ponty une ontologie qui, certes non brutale, n’en est pas moins inhumaine en ce qu’elle privilégie la généralité de la chair et non la singularité de chaque homme. Sont engagées ici des conceptions différentes du corps et du langage, dont nous chercherons à montrer les implications cliniques en les confrontant au rapport à l’autre que la psychanalyse lacanienne met en œuvre.

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Emmanuel de Saint Aubert, Autre, même, commun. Le point de vue de Merleau-Ponty

Nous examinons ici comment Merleau-Ponty, en lien étroit avec sa conception personnelle de l’être, aborde certaines thématiques frayées par Levinas – désir, transcendance, altérité, responsabilité… Marquée par une grande attention au monde perçu, son ontologie met en valeur la négativité de l’être comme ressort de notre naissance et de notre coexistence. Indéfini et relatif, résistant et porteur, l’être travaille notre chair dans une dialectique de limitation et d’ouverture, jusqu’à nous libérer de l’ambivalence qui entrave nos relations et nos concepts. Riche de virtualités éthiques, cette ontologie se veut opposée à Sartre, se pense incompatible avec Heidegger, et contraste fortement avec Levinas – y compris avec la lecture que celui-ci a pu en faire.

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Paula Lorelle, L’autre sens de la raison. Levinas et Merleau-Ponty

Dans « La philosophie et l’éveil », Levinas nous invite à penser une « rationalité dans un autre sens ». En chacun de ses termes, cette expression ouvre avec l’œuvre de Merleau-Ponty un espace de résonance, dessinant différents niveaux de profondeur et n’engageant rien de moins finalement qu’une commune conception de la raison. Il y est d’abord question d’une raison autre qui remonte, chez Levinas, à la « rationalité première » de Totalité et infini et fait écho aux nombreuses mentions par Merleau-Ponty d’une rationalité nouvelle. Il y est ensuite question du sens de la raison : de ce « sens » qui, en-deçà des mots, s’éprouve à même l’épaisseur charnelle de la sensibilité. Et ce sens de la raison est autre finalement, défini par son altérité même, comme « écart » ou « différence ». Reste alors à penser cet « écart » qui, de Merleau-Ponty à Levinas, n’a pas le même sens et depuis lequel il sera seulement possible de redéfinir en conclusion cet autre sens de la raison.

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Agata Zielinski, Une éthique du sensible : penser la relation autrement

En mettant à mal la réciprocité, certaines situations de maladie en viennent à questionner la reconnaissance et l’appartenance de l’autre à une commune humanité. La lecture de Merleau-Ponty et Levinas permet d’esquisser une phénoménologie de la rencontre en l’absence de communication. La chair chez l’un, la vulnérabilité chez l’autre révèlent une proximité malgré soi. L’inquiétante étrangeté de l’autre renvoie à une expérience primordiale de détresse et de dépendance qui nous est commune. À partir de là peut se constituer une éthique de la proximité à partir du sensible.

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Notes de lecture

Michel Foucault, Binswanger et l’analyse existentielle, Phénoménologie et psychologie et La question anthropologique. Cours. 1954-1955

Lu par Philippe Chevallier.

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Paul Ricœur, La religion pour penser. Écrits et conférences 5

Lu par Guilhem Causse.

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Bulletins

Bulletin leibnizien VIII

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Bulletin de philosophie médiévale XXIII

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Deux dossiers sont publiés dans ce cahier.
Le premier, De notre responsabilité pour la justice. Penser le politique avec Iris M. Young, est une remarquable introduction, intelligente et utile, à l’une des plus grandes figures de la philosophie politique contemporaine nord-américaine, largement méconnue ou ignorée en monde français. Mais pas seulement. En effet, constitué de quatre articles écrits avec finesse, compétence et courage par des auteurs qui possèdent et dominent avec hauteur de vue leurs objets de pensée, ce dossier est aussi un véritable acte, pour ne pas dire un manifeste, de philosophie politique. Un acte qui ne tourne pas vers la nostalgie d’un passé regretté mais vers l’avenir. Il prend pour cela à bras-le-corps, en pensant avec et à partir de Young, des notions aussi fondamentales que celles de justice, de démocratie et de responsabilité politique tant publique qu’individuelle.
Ainsi le dossier aborde le problème de la justice dans des sociétés maillées de multiples pratiques culturelles souvent en tension, voire en opposition les unes avec les autres ; des sociétés tissées, pour la plupart aujourd’hui, de « rapports sociaux de race » et qui sont ébranlées en leurs assises mêmes par des faits raciaux d’injustice. C’est alors le concept d’intégration lui-même qui peut et doit être réexaminé – particulièrement aux États-Unis, mais aussi en France. Le dossier aborde aussi le problème de la démocratie, dont on voit combien à notre époque elle peut être menacée en son essence et ses principes mêmes. Il le fait en s’intéressant au rôle des groupes sociaux, en leurs capacités à être des lieux possibles d’une pratique délibérative de la discussion et des savoirs, à condition de les appréhender à partir non pas d’un critère d’identité – culturelle, religieuse, idéologique, de genre etc. – mais d’une fonction de démocratisation de la société, par l’exercice de la délibération politique et sociale que ces groupes peuvent permettre et favoriser en leur sein. Enfin, le dossier aborde, d’une part, la question de la responsabilité politique dans la mondialisation, en traitant le problème des injustices structurelles qui lui sont liées ; d’autre part, la responsabilité politique de l’individu du point de vue de sa participation sociale à l’injustice de la société dont il est membre ou de l’État dont il est citoyen.
Qui s’engage dans le parcours proposé par De notre responsabilité pour la justice. Penser le politique avec Iris M. Young ne progresse pas seulement sur un chemin intellectuel où il est conduit à réviser ses notions de justice, de démocratie et de responsabilité politique. Il est aussi peu à peu amené à revoir et repenser son agir, en société comme en privé, en se portant au point de vue de sa relation à autrui. C’est ici, sur la question de cette relation que le second dossier, Levinas – Merleau-Ponty. Résonances, offre au lecteur comme un libre vis-à-vis de constitution d’un sens, par la voie spécifique de la phénoménologie, à ce qui lui sera apparu de sa lecture du premier dossier.