EnglishTome 86, cahier 2, Avril-Juin 2023

Interprétations, usages et appropriations de Leo Strauss
Philosophie et politique

Bruno Quélennec, Interprétations, usages et appropriations de Leo Strauss. Philosophie et politique. Avant-propos

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Bruno Quélennec, Un jeu de miroirs transatlantique. Deux paradigmes de réception de Leo Strauss

Partant du principe que les raisons de la politisation (ou non) de la référence théorique « Leo Strauss » ne peuvent être élucidées qu’en considérant ensemble les écrits du philosophe et les processus de réception dont ils font l’objet, cette contribution propose quelques éléments de biographie intellectuelle, distinguant six « séquences » puis elle met en lumière l’aspect « polyphonique » de l’œuvre straussienne, semblant autoriser les lectures les plus contradictoires. Suit une exposition de deux paradigmes opposés de réception : la réception états-unienne, rythmée par les polémiques depuis les années 1980, la réception française, assez consensuelle. À la fin du texte, nous tentons d’expliquer comment Strauss a pu devenir une figure canonique en France dans le contexte du « retour de la philosophie politique » des années 1980-1990.

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John Rogove,La réception de Leo Strauss aux États-Unis. Politique platonicienne et libéralisme

Cet article retrace la réception de la pensée du philosophe politique allemand Leo Strauss dans son pays d’accueil, les États-Unis. La première partie retrace sa carrière universitaire américaine, le replaçant aux côtés d’autres exilés allemands en même temps qu’elle décrit la constitution de son école à l’Université de Chicago. Elle reconstruit notamment la façon dont le souci pour sa réception par une démocratie libérale à l’égard de laquelle il était critique a façonné le contenu même de son œuvre. La seconde partie brosse le portrait de l’école straussienne en Amérique du Nord, analysant ses divers courants et les façons souvent divergentes dont ceux-ci ont interprété l’attitude de Strauss à l’égard du régime américain. La troisième partie examine l’influence que la pensée straussienne a pu avoir (ou non) sur le mouvement néoconservateur aux États-Unis et son influence politique et culturelle dans ce pays où elle est devenue définitive­ment inséparable de sa réception.

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Kai Marchal, Modernité, tyrannie et crise. Leo Strauss en Chine

Le présent article se propose de revenir sur l’apport de la psychanalyse à l’élaboration de la théorie sociale critique développée par Adorno et Horkheimer. Pour en éclairer la spécificité, il se consacre à l’étude de la théorie des besoins que ces auteurs élaborent dans les années 40, qui vise à élucider comment il est possible de satisfaire socialement les besoins de tous sans reconduire la domination de la nature. L’article démontre la contribution de la psychanalyse au développement de cette théorie, qui se constitue dans un dialogue avec les notions freudiennes d’autoconservation et d’étayage. Il entend détailler comment la théorie des besoins permet de mettre en lumière la façon dont cette théorie sociale critique met à l’épreuve la théorie freudienne des pulsions : le concept de besoin s’établit dans la théorie sociale par l’intermédiaire d’une confrontation avec la naturalité propre à la pulsion, et permet à la théorie sociale d’élaborer un concept de nature dans lequel nature interne et nature externe sont articulés et différenciés.

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Pierpaolo Ciccarelli, L’écriture réticente, condition de possibilité de la philosophie. Quatre études italiennes récentes sur Strauss

Dans cet article, je discute quatre contributions récentes sur Leo Strauss écrites par des chercheurs italiens : celles de M. Farnesi Camellone (§ 1), de M. Menon (§ 2), d’A. Ghibellini et la mienne (§ 3). Il s’agit ici de clarifier les raisons pour lesquelles, dans plusieurs études italiennes des deux dernières décennies, L. Strauss a été étudié davantage comme un philosophe que comme un penseur politique au sens strict. La principale réside à mon avis dans la relation que L. Strauss lui-même a établi entre le « problème de la possibilité de la philosophie », relatif à la séparation de l’episteme d’avec la doxa, et la nécessité de « l’écriture réticente ». L’écriture réticente est un outil méthodologique permettant de contrôler le conflit généré par la question philosophique de la justice, un conflit aux conséquences potentiellement exorbitantes pour la philosophie en tant que mode de vie.

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Pierpaolo Ciccarelli, Réception italienne de Leo Strauss. De la méfiance à la reconnaissance

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David Smadja, 1990-2000 : une autre réception française de Leo Strauss. Corine Pelluchon et Daniel Tanguay

À travers la réalisation et le commentaire de deux entretiens approfondis avec C. Pelluchon et D. Tanguay, l’article décrit un autre mode de réappropriation de cet auteur, distinct des premières réceptions françaises assurées par R. Aron et A. Kojève dans les années 1950. Il fait apparaître un cadrage du philosophe différent de celui de ses contemporains. En effet, si les deux enquêtés manifestent des dispositions théorico-pratiques qui les conduisent à replacer au premier plan le « problème théologico-politique » de L. Strauss, ce cadrage répond chez eux davantage à un intérêt d’ordre historique, orienté vers l’établissement et la traduction d’un corpus, qu’à la poursuite d’objectifs idéologiques ou politiques.

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Propos recueillis par David Smadja, Corine Pelluchon  : « Strauss conduit une critique radicale mais constructive de la modernité »

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Propos recueillis par David Smadja, Daniel Tanguay  : « Srauss m’a appris à vivre plus librement en exil »

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Paul Rateau, La « Drôle de pensée » (1675) ou quand Leibniz rêvait de faire de Paris une fête

Dans la « Drôle de pensée touchant une nouvelle sorte de représentations », rédigée à Paris en septembre 1675, Leibniz envisage de transformer la capitale française en un grand musée des savoirs, des arts et des métiers. Il rêve d’en faire un gigantesque lieu d’exposition des connaissances et des inventions, un laboratoire d’expérimentations, où seraient également donnés spectacles, jeux et divertissements. Le texte a été écrit à la suite de la représentation d’une machine servant à marcher sur l’eau, à laquelle a assisté le philosophe. En identifiant cette machine à une lanquerre, l’article propose de réinterpréter le contenu et le but du projet esquissé dans la « Drôle de pensée ».

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Fausto Fraisopi, Hegel et l’idée d’une logique spéculative. I. Le spéculatif et l’ontologie (dialectique) de la représentation

Dans cette première partie de questionnement de l’idée de logique spéculative chez Hegel, on retrace tout d’abord l’idée d’élément logique ou du « logique » (das Logiche) chez Hegel. Cela converge vers un questionnement de l’origine du spéculatif à la fois dans l’histoire de la pensée occidentale (tant chez les Grecs que chez Augustin) et dans la pensée kantienne, qui sert de base (critique) pour l’élaboration de l’idée de logique spéculative. Cette double approche sert de description d’un horizon général et problématique au sein duquel insérer l’approche des différentes « dialectiques » de la logique hégélienne.

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Bulletin de philosophie anglaise II

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Bulletin cartésien LII (recensions)

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logo des Archives de philosophie

Archives de philosophie publia en 2016 Leo Strauss et le problème politique, coordonné par Adrien Louis. Ouvrait ce dossier la traduction inédite d’une conférence de Leo Strauss prononcée en 1938 sous le titre « Natural Right » dans un séminaire collectif de la New School de New York – initialement formée d’universitaires allemands en exil, dès 1933. Cette conférence introductive donnait l’objet du dossier : la recherche constante de Leo Strauss sur le problème politique de l’État juste tel qu’il se formule à ses yeux avec et à partir de la modernité. L’objet, et aussi le procédé : du dedans même de la philosophie politique de Leo Strauss, suivre le chemin, dans l’histoire qui lui était contemporaine, des figures de ce qui différencie, selon lui, l’État antique et l’État moderne.

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L’actuel dossier Interprétations, usages et appropriations de Leo Strauss. Philosophie et politique réunit des articles solidement appuyés sur une profonde connaissance de l’œuvre de Leo Strauss. Ceux-ci sont pleinement enracinés dans un exercice intelligent et méthodique de l’attention portée à des évènements politiques contemporains, que ce soit aux États-Unis ou en Chine, des évènements dont l’occasion et le sens sont à chercher du côté d’une certaine réception et appropriation politiques des enseignements et du corpus straussiens dans ces pays. Une enquête sur l’évolution des études contemporaines de Leo Strauss en Italie et un état des lieux sur un renouveau de sa réception en France, illustré par deux interviews, complètent à bon droit le panorama des interprétations et appropriations de Strauss à l’intérieur du périmètre fixé dans ce dossier. Ce dernier, brillamment dirigé par Bruno Quélennec, ordonne une véritable orchestration de jeux de miroirs – selon l’expression de son puissant article – non seulement transatlantiques, mais encore entre sphère européenne et sphère chinoise, sphère chinoise et sphère nord-américaine.
Que donnent à voir ces jeux de miroirs ? Les Nymphéas captaient les reflets changeants du ciel sur l’eau ; ce sont ici les reflets mouvants de Strauss dans le temps et dans l’espace qui éclairent tant le penseur que ceux qui s’en réclament et qui en usent. Les articles établissent, en effet, que ces usages sont le fait de réceptions politisées – à l’excès – de son œuvre aux États-Unis comme en Chine. La conséquence en est une dissociation entre philosophie et politique, exactement à rebours de ce que développait Leo Strauss et le problème politique, d’un point de vue européen, il est vrai. Établir l’État juste demeure pourtant une tâche, au sens allemand de Aufgabe, toujours à conduire et jamais achevée. La dissociation entre philosophie et politique conduit, elle, à des approches de questions sociales, morales, économiques, religieuses, internationales qui, se croyant et se déclarant fondées sur une philosophie, en appellent à cette dernière – déployée dans l’œuvre de Leo Strauss – comme à un ornement, ou plutôt un cache-misère de pensées et de pratiques politiques qui n’ont d’autres références qu’elles-mêmes. Interprétations, usages et appropriations de Leo Strauss. Philosophie et politique s’avère ainsi vraiment précieux, en particulier pour lire notre époque et ses tourments politiques.

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Le Bulletin de philosophie anglaise II dirigé par Éric Marquer montre, une nouvelle fois, la vitalité de la recherche en monde anglophone sur les grandes figures philosophiques du xviie au xixe siècle, le Bulletin allant cette année jusqu’à John Stuart Mill.
Par ailleurs, une partie des comptes rendus du Bulletin cartésien LII, dirigé par Dan Arbib, est publiée en accès libre sur Cairn.
La Rédaction

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