Tome 78, cahier 4, Octobre-Décembre 2015

Les philosophies écossaises
Naturalismes et sciences de l’homme

Claude Gautier, Les philosophies écossaises : naturalismes et sciences de l’homme

Il s’agit de justifier l’un des fils conducteurs de cette présentation des philosophies écossaises : celui-ci repose sur l’esquisse des termes d’un dialogue avec Hume principalement centré sur la question de la possibilité d’une connaissance vraie. Discuter une telle possibilité engage, et c’est là l’une des particularités fortes de ces philosophies, une requalification des contours du naturalisme. Un naturalisme dont on peut dire qu’il est une voie presque systématiquement et toujours différemment explorée pour répondre à certaines des impasses de la philosophie classique. À partir de là, il est possible de présenter les choix adoptés dans la constitution de ce dossier ainsi que les contributions qui le composent.

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Benoît Gide, La critique naturaliste du scepticisme humien chez Thomas Reid

Cet article montre comment le fait de la croyance irrépressible suffit, chez Reid, à la critique des doutes de Hume au sujet de la perception et de l’induction. Distinguant naturalisme psychologique descriptif et naturalisme épistémologique normatif, il montre comment le naturalisme humien peut être sceptique, pendant que celui de Reid en constitue la réfutation. Il défend l’idée que la critique naturaliste reidienne du scepticisme a une dimension purement épistémologique, indépendante de toute présupposition métaphysique.

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Claire Etchegaray, Naturalisme et culture de l’esprit chez Dugald Stewart

On se propose de comprendre dans cet article le lien établi par Dugald Stewart entre la philosophie de l’esprit (l’étude des pouvoirs naturels de l’esprit) et la défense d’une culture de l’esprit (par l’éducation « libérale » et les réformes politiques). Pour ce faire, on rappelle dans un premier temps la spécificité du naturalisme théiste, anti-sceptique, développé par Reid et Stewart. Puis l’on montre comment le naturalisme de la philosophie du sens commun se concilie avec le perfectionnisme qui anime les considérations politiques de Stewart dans les Éléments de philosophie de l’esprit humain. Malgré sa fidélité à l’inspiration reidienne, il faut relever d’importantes divergences entre sa philosophie de l’esprit et celle de son maître, divergences qui s’expliquent par l’attention renouvelée qu’il prête à la pratique des opérations de l’esprit, en tant qu’elle développe des habitudes et des dispositions mentales. La philosophie de Reid n’était pas dépourvue de pragmatisme, si bien que Stewart a pu croire qu’il en accomplissait le projet, sur certains points, mieux que Reid lui-même.

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Patrick Vieu, L’homme introuvable. Fondements et limites du discours anthropologique chez Adam Ferguson

Comprendre les ressorts psychologiques et anthropologiques du progrès pour en maîtriser le cours : tel est le projet politique et moral de l’Essai sur l’histoire de la société civile publié par Adam Ferguson en 1767. Empruntant à Thomas Reid son axiomatique du sens commun, Ferguson assoit son projet sur un fondationnalisme naturaliste visant à rendre possible, contre le scepticisme de Hume, l’édification d’une science de la nature humaine. Ainsi fondé, le discours anthropologique qui se déploie à la surface de l’Essai prétend mettre en évidence les « lois physiques de l’esprit » à partir de l’observation des pratiques humaines. Mais en imposant l’évolutionnisme d’une histoire « rationnelle » à la réalité des faits observés, ce discours autoréférentiel finit par abolir l’objet même de sa recherche : l’homme.

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Samuel Lépine, Le sentimentalisme écossais et le problème de la normativité morale

Dans cet article, je montre qu’il existe des désaccords épistémologiques forts entre deux figures majeures du sentimentalisme écossais, Francis Hutcheson et Adam Smith, à propos de la normativité morale. Tandis que le premier défend l’existence d’un sens moral naturel, le second soutient que nous développons notre connaissance des normes morales socialement, par sympathie avec les sentiments de nos semblables et la représentation d’un spectateur impartial. Je soutiens qu’en dépit de leurs efforts, ces deux auteurs ne parviennent pas à spécifier clairement ce que sont réellement les normes morales, et qu’ils tentent d’échapper au relativisme moral sans véritable succès. Je suggère enfin que ces difficultés constituent un défi important pour le sentimentalisme moral.

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Éléonore Le Jallé, David Hume : la philosophie et les savoirs

Dans le Traité de la nature humaine, Hume identifie la philosophie à la science de la nature humaine et la présente comme une science capitale : c’est à partir d’elle que les autres savoirs pourront être conquis. Dans les Essais moraux, politiques et littéraires, un autre rapport de la philosophie et des savoirs se fait jour. C’est désormais en philosophe politique que Hume s’intéresse aux rapports réciproques unissant l’état des sciences et des savoirs aux conditions politiques de la société où ils naissent, progressent ou déclinent. L’article montre comment ces deux modalités du discours philosophique de Hume sur les autres savoirs s’articulent.

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Bruno Karsenti, Le totémisme et sa trace. Comment la psychanalyse pense l’histoire

On s’efforce ici de lire philosophiquement Totem et Tabou, l’un des livres les plus décriés de Freud, et d’en restituer les thèses cardinales, non seulement sur le meurtre du père, mais sur la transmission des phénomènes psychiques et, en conséquence, sur les concepts corrélatifs de culture et d’histoire. On prend pour cela appui sur un élément singulier de la construction freudienne : le décalage entre les deux traces inégalement marquées du totem et du tabou, encore repérables dans la constitution des sociétés modernes à travers la structure de nos interdits moraux et les traits de la névrose obsessionnelle. En suivant ces traces, on voit alors se dessiner une pensée proprement psychanalytique de l’histoire, comme condition d’existence des sociétés dans lesquelles le totémisme, avec l’articulation qu’il implique entre pensée et réalité, n’a plus cours.

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Bulletin de littérature hégélienne XXV

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Bulletin de bibliographie spinoziste XXXVII

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David Hume

Au coeur de l’année 2015, la question de l’homme…

Les Archives de philosophie sont une revue qui voudrait travailler sur le long cours. La question de l’homme aura été au cœur de cette année 2015, que ce soit par la problématique historique du sens et des signes, avec le dossier Pour un Port-Royal contrasté ; par la réflexion sur son agir, avec Utilitarisme et Liberté. La pensée politique de Jeremy Bentham ; par le retour au lien entre pensée et écriture, avec Écrire en philosophie au XVIIIe siècle.

L’homme qui s’invente…

Avec le dossier Les philosophies écossaises publié dans ce dernier cahier, c’est de l’homme encore qu’il s’agit : sous l’angle cette fois de la connaissance, prise dans une tension entre Naturalismes et sciences de l’homme, pour reprendre le beau sous-titre du dossier, mais aussi sous l’angle d’une rupture avec les prétentions respectives à la primauté de la raison ou des faits d’expériences. La question de la connaissance est fondamentalement portée par un mouvement, celui de l’invention de l’homme au double sens du terme : l’homme qui s’invente, l’homme qui invente de nouveaux chemins d’accès à lui-même.
C’est de l’homme donc qu’il s’agit au cours de cette année 2015, envisagé selon des entrées variées et abordé par des philosophies qui appartiennent à la philosophie classique mais tout autant moderne. Qu’elles soient classiques ou modernes, les philosophies convoquées dans ces dossiers jettent toutes une vive lumière sur les temps présents.

L’année qui vient : 2016…

L’année 2016 s’ouvrira avec des contemporains : d’abord Foucault, et son regard sur les sciences humaines, puis Wittgenstein et Blumenberg, sur la question cruciale de savoir comment la philosophie pourrait prétendre encore « régler » les problèmes de la vie.

Les Archives de philosophie ne sont donc pas limitées à un type de philosophie ou à une époque de son histoire. Les Archives, c’est ainsi un travail sur le long cours et sur l’histoire, passée et présente. Tel est du moins son projet éditorial.