Tome 79, cahier 1, Janvier-Mars 2016

Foucault et les sciences humaines

Jean-François Braunstein, Foucault et les sciences humaines

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Jean-François Braunstein, Foucault, Canguilhem et l’histoire des sciences humaines

Il a souvent été reproché à Foucault et à Canguilhem de ne pas avoir rendu justice aux sciences humaines. Il nous semble au contraire que leur œuvre est centrée sur les sciences humaines et leur histoire. Mais, comme Comte avant eux, ces auteurs distinguent entre les sciences humaines, valorisant certaines disciplines, comme la médecine, en critiquant d’autres, comme la psychologie. On peut parler en ce sens d’une véritable « désunité » des sciences humaines. L’histoire des sciences humaines qu’écrivent Canguilhem et Foucault éclaire ainsi certaines des caractéristiques du style français en histoire des sciences.

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Elisabetta Basso, Foucault entre psychanalyse et psychiatrie : « Reprendre la folie au niveau de son langage« 

Cet article a pour but d’analyser la position qu’occupe la psychanalyse dans l’œuvre de Michel Foucault au moment du dépassement, opéré par le philosophe entre les années cinquante et les années soixante, de son adhésion initiale au programme de la psychiatrie existentielle vers l’élaboration de son archéologie. L’enjeu de notre étude est d’analyser le rôle qu’aurait joué dans ce passage l’approche lacanienne des psychoses, telle qu’elle fut formulée à partir du milieu des années cinquante.

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Jocelyn Benoist, Des actes de langage à l’inventaire des énoncés

L’article essaie de comprendre la notion d’« énoncé » telle que Foucault l’emploie dans L’Archéologie du Savoir. Il situe la perspective de Foucault dans le contexte du débat philosophique et linguistique sur le langage après la seconde guerre mondiale. Il la compare avec la philosophie du langage ordinaire, en se concentrant sur la notion d’acte de langage. Dans les deux genres d’analyse on trouve un intérêt similaire pour les performances linguistiques effectives. Cependant, la notion d’acte de langage, en elle-même, demeure trop abstraite à l’aune de l’analyse foucaldienne, et le philosophe français s’ntéresse plus à ce qu’on pourrait appeler les matériaux disponibles pour la performance en un temps donné qu’à la performance prise isolément. L’article essaie de mieux comprendre les ressorts de la ré-historicisation du langage à l’œuvre dans l’analyse de Foucault.

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Gildas SalmonFoucault et la généalogie de la sociologie

Quarante ans après Surveiller et punir, La Société punitive montre qu’avec le concept de discipline, Foucault entendait proposer une généalogie de la sociologie, et en particulier du programme durkheimien. Refusant de faire du droit la mise en forme d’exigences immanentes à la conscience collective, il traite la moralisation de la pénalité comme une stratégie mise en place au XIXe siècle par une bourgeoisie soucieuse de se prémunir contre les nouveaux illégalismes suscités par les transformations de la propriété capitaliste. En prenant pour fil conducteur la confrontation avec l’évolutionnisme sociologique qui sous-tend l’histoire de la pénalité retracée par Foucault, cet article se propose de mettre en évidence les gains obtenus au moyen de la méthode archéologique de dissolution des continuités historiques, mais aussi les apories que rencontre la généalogie pour rendre compte de la formation des sujets politiques modernes non plus à partir des formes de solidarité, mais à partir du principe d’une guerre civile sous-jacente à la société.

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Jean-Claude Monod & Valeria Spadini, La vocation thérapeutique de la philosophie. Wittgenstein – Blumenberg

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Élise Marrou, Autoportrait de Blumenberg en thérapeute viennois. De nobis ipsis silemus

Dans le présent article, nous nous proposons de montrer que Wittgenstein est davantage qu’un interlocuteur de Blumenberg, l’un de ses doubles. Nous montrons comment Blumenberg intègre l’exploration des lignes directrices du travail du philosophe autrichien à l’élaboration de sa propre démarche descriptive. Ainsi, trois points névralgiques issus de l’oeuvre de Wittgenstein (du premier, du second, du dernier) – le retour sur la définition du monde donnée dans le Tractatus, la prise en charge de la part d’indéterminité dans l’usage des concepts et l’anti-cartésianisme offrent le décalque de l’entreprise phénoménologique de Blumenberg, une eau-forte de son herméneutique, rien moins en somme qu’un autoportrait.

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Jean-Claude Monod, Dieu, « Le monde est… » Lectures du Tractatus par Blumenberg

Hans Blumenberg est revenu avec obstination sur les plus fameux énoncés du Tractatus de Wittgenstein : peut-on dire que « le monde est tout ce qui est le cas », ou bien n’est-ce qu’un de ces pseudo-énoncés qu’il s’agit de bannir de la philosophie ? Ce qui ne peut se « dire » sur le mode d’un énoncé vérifiable empiriquement ne peut-il chercher à se dire autrement ? N’est-ce pas précisément le rôle de ce que Blumenberg appelle des « métaphores absolues » ? Il faut alors confronter ce que l’un et l’autre philosophes ont suggéré quant aux limites du discours et au « mystique ».

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Christiane Chauviré, Anthropologie et Lumières : Wittgenstein et Blumenberg

Wittgenstein a développé une anthropologie qui partage avec celle de Blumenberg un souci descriptif et la volonté de comprendre des formes de pensée et d’action qu’un rationalisme étroit tiendrait pour insensées. Mais cette approche s’articule, chez Wittgenstein, à un point de vue critique sur les Lumières et à un profond pessimisme culturel, qui apparente sa réflexion à celle d’un Spengler, et qui diffère de la tentative blumenbergienne de penser « la légitimité des Temps modernes ».

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Hans Blumenberg, Concepts en histoires

Dans ces petits billets destinés au feuilleton littéraire de la Frankfurter Allgemeine, Blumenberg cherche à déployer une petite encyclopédie de concepts philosophiques chaque fois exposés à travers une anecdote ou un récit. Cf. Begriffe in Geschichten, Frankfurt, Suhrkamp, 1998.

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Bulletin cartésien XLV

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Michel Foucault

Foucault, encore ?…Gallimard entreprend la publication de ses œuvres dans la Pléiade, ce qui est une consécration ; articles, collectifs, communications sur Foucault abondent. Foucault intéresse donc.

Son penser est un penser complexe, un penser nuancé ; il trouve son chemin, hors systèmes et sans systèmes préalables. Il se trace par un entrelacs de questions et de problématiques tissées entre l’accueil critique voire sceptique – non sans être bienveillant – de la tradition philosophique et les lieux ou terrains concrets – la prison, l’hôpital, la différence sexuelle, le maniement du langage, le souci de soi, dont les sciences humaines font leur objet aussi, voire leur objet privilégié. Ces dernières ne sauraient être réduites à des savoirs positivistes ; elles ne sauraient non plus être purement et simplement révoquées, comme le donneraient à accroire parfois des lectures militantes de Foucault ou des gardiens zélés d’un prétendu temple foucaldien.
Lire Foucault aujourd’hui, dans le monde culturel qui est le nôtre, loin de précipiter vers un système ou une philosophie qui annihilerait tout ce qui le précède, c’est au contraire le suivre sur le chemin et dans la genèse de son penser, toujours fait de nuances et soucieux de concret, ce qui tient à son rapport si singulier aux sciences humaines.

Le dossier Foucault et les sciences humaines met en lumière le penser de Foucault, il ne prétend pas à une exhaustivité ou à une systématicité mais il procède par amorces fines, en attirant l’attention, de manière documentée, sur l’histoire des sciences humaines, la psychanalyse, la philosophie du langage, la sociologie. Penser nuancé ? Il ne peut en être autrement ! Car il est question de l’homme et de la vie de l’homme dans l’histoire, homme et vie de l’homme inassignables.

Homme et vie de l’homme inassignables ?

Le dossier La vocation thérapeutique de la philosophie. Wittgenstein-Blumenberg le rappelle à sa manière. Wittgenstein et Blumenberg percent des voies de critique radicale vis-à-vis de tous les savoirs positivistes et doctrinaires sur l’homme, qu’ils soient politiques, qu’ils portent sur le vivre ensemble, qu’ils se drapent en sciences de l’homme.

Ces voies sont, elles aussi, très singulières par l’écriture, une écriture sans ressemblance qui fait immédiatement style – un style si manifeste chez Wittgenstein et Blumenberg dans leur langue maternelle. Commencer à s’engager sur ces voies par l’expérience de leur lecture, c’est se mettre à les aimer car elles parlent de la vie : à les lire, quelque chose bruit en nous de notre propre vie, alors invitée à créer, à penser par elle-même car libérée de courir après les réponses acquises à des questions mal posées sur l’homme, sa vie, son histoire. Ainsi reçues, ces philosophies remplissent la fonction que la philosophie porte depuis ses commencements : la fonction thérapeutique.

Que les auteurs de ces deux dossiers soient vivement remerciés de nous remettre devant la tâche, jamais achevée, d’un penser libre.