Volume 87, Issue 4, October-December 2024
DOSSIER
Affinity, affinities, elective affinities?
Danièle Cohn, Foreword
Danièle Cohn, Critique et affinité. Le voyage à Leipzig de Marcel Raymond
Autour et avec le cas exemplaire, qu’est Marcel Raymond, l’article présente ce qu’il en est du voyage d’un sujet, de sa reprise dans un récit et de l’établissement qui en résulte d’une critique affinitaire. La part du sujet, celle d’une existence et de sa formation intellectuelle dans ses années d’apprentissage et la part de l’objet, en l’occurrence des œuvres littéraires, y trouvent un équilibre dialectique entre expérience et connaissance, existence et interprétation, singularité d’un sentiment et intelligibilité.
Fériel Kaddour, Goethe et Schubert. Après une lecture du Faust
Schubert et Goethe ne sont jamais rencontrés. Leur affinité, pourtant, existe en musique. Cet article en explore les motifs à partir de deux Lieder extraits du Faust. Plutôt que de penser cette affinité depuis la musique, je montre que le jeu affinitaire du chant et du poème est déjà présent dans le texte de Goethe. Il s’agit donc de décrire comment Schubert met en musique ce que le poème goethéen fait du Lied. C’est en cela que leur affinité est la plus remarquable : poésie et musique se rencontrent à l’endroit même où se pose la question de leur jonction.
Rémi Mermet, De l’affinité entre les peuples : Heinrich Wölfflin et la question des styles nationaux
Dans cet article, je cherche à démontrer que la dernière monographie de Heinrich Wölfflin, Italien und das deutsche Formgefühl (1931), n’a pas participé, comme on le croit souvent, au développement d’une histoire de l’art raciste à l’époque nazie. Au contraire, je suggère que Wölfflin a rejeté toute approche nationaliste de l’art : il n’a pas insisté sur sa propre germanité pour la glorifier, mais pour souligner la relativité de sa perspective d’historien de l’art suisse-allemand. À la suite de Dürer, Goethe et Humboldt, Wölfflin n’a jamais cessé de promouvoir la compréhension interculturelle. Selon lui, ce n’est qu’à travers le dialogue et la traduction que nous pouvons atteindre une expérience universelle de l’humanité.
Jacques-Olivier Bégot, Par-delà le même et l’autre : sur quelques lieux de l’affinité chez Adorno
Sont successivement abordés trois lieux de l’affinité dans les écrits d’Adorno, non pour reconstruire une théorie jamais élaborée comme telle, mais pour repérer quelques points d’une « constellation » : introduite dans la première des Trois études sur Hegel pour désigner une compréhension de la vérité distincte de l’adéquation, l’affinité nomme dans « Parataxe » une relation non dominatrice du sujet à l’objet, pour devenir, dans le contexte de la Théorie esthétique, une clef de la relation complexe entre art et philosophie. Loin d’effacer la distance entre les termes qu’elle rapproche, l’affinité exprime chaque fois la survivance d’un socle commun qui ne se confond jamais avec une identité.
Philippe Urfalino, Les prodiges de l’alliance. Judith Butler et l’exercice performatif de la souveraineté populaire
La théorie politique des rassemblements proposée par Judith Butler assimile les mouvements protestataires à des alliances déterminées par les affinités entre personnes vulnérables. L’article examine la robustesse de ses principaux ressorts théoriques : le concept d’identité qui ordonne sa conception du corps politique, sa théorie de la souveraineté, et la fonction constituante prêtée au performatif. Finalement, il s’interroge sur le statut de l’ensemble de la réflexion, se demandant si elle relève bien d’une pensée politique ou plutôt d’une philosophie morale.
VARIA
Raphaël Pierrès, Nature et éducation selon Locke et Condillac
Cet article interroge la relation entre nature et éducation au moyen d’une confrontation entre les Quelques pensées sur l’éducation de Locke et le Cours d’études de Condillac. Nous analysons d’abord le statut chez Locke du fond naturel, en lien à sa manière de défendre une méthode pédagogique naturelle. Est-il légitime de viser une éducation naturelle ou faut-il assumer une rupture entre éducation et nature ? Nous questionnons alors le rapport entre nature et coutume dans le Cours d’études de Condillac, et la fonction des signes naturels dans les philosophies de l’expérience..
Yoann Malinge, L’action et l’aliénation des femmes selon Beauvoir. Penser la situation et la liberté avec et contre Sartre
Il s’agit dans cet article d’éclairer la méthode et la philosophie de Simone de Beauvoir pour comprendre l’aliénation et l’action des femmes. Dans un premier temps, l’article met au jour la méthode généalogique de Beauvoir pour comprendre comment « la femme » a pu être considérée comme « l’Autre » de l’homme. Puis, il s’agit de montrer comment Beauvoir déplace la thèse sartrienne de la liberté en situation pour critiquer l’aliénation et la domination subies par les femmes. Enfin, cet article étudie les solutions proposées par Beauvoir pour la libération des femmes.
READING NOTES
« L’expérience ordinaire du cinéma selon Cavell : une éducation philosophique »
- Sandra Laugier, Recommencer la philosophie. Stanley Cavell et la philosophie en Amérique
- Élise Domenach, Stanley Cavell, le cinéma et le scepticisme
par Yoann Hervey-Fortunet
« Servitude et aliénation : relire La Boétie à l’aune de la clinique »
- Tristan Dagron, Le Soi subjugué. Servitude volontaire et cliniques de l’aliénation
par Claire Crignon