EnglishTome 85, cahier 1, Janvier-Mars 2022

Philosophie de la photographie. De l’empreinte naturaliste à l’objet théorique

Couverture du cahier 85-1Carole Maigné, Philosophie de la photographie. De l’empreinte naturaliste à l’objet théorique. Avant-propos

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Emmanuel Alloa, L’arrêt de mort. Notes sur le temps photographique

Promettant à la fois la capture de l’instant et son dépassement vers l’intemporel, le medium photographique voit son destin intimement lié à la catégorie du temps. L’article suggère cependant que cette inclusion du temps dans l’image s’est acquise, au cours de l’histoire de la photographie, au prix d’une essentialisation du momentané. À rebours d’une telle approche, il s’agit de repenser l’instantané photographique comme découlant de l’accident, si bien que la photo figure non plus l’instant fécond, mais bien le temps de l’accident, qui correspond, dans tous les sens du terme, à un arrêt de mort.

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Lambert Wiesing, Montrer des causes et des effets : visages et photographies

Montrer des émotions sur un visage ou montrer quelque chose par une photographie, est-ce identique ? Que signifie montrer (das Zeigen) ou faire voir (sehen lassen) ? La question engage une réflexion sur la nature de l’image photo­graphique : en refusant de faire du cliché photographique (comme du visage) la trace ou l’index d’un quelque chose, l’auteur affirme importance du langage et de l’usage pour tout artefact, où l’équivalence linguistique du dissemblable devient un aspect nécessaire de la praxis qui vise à montrer du doigt.

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Carole Maigné, La radicale « caméra-réalité » de Siegfried Kracauer

La « camera-réalité », néologisme qualifiant la nature du médium photographique, est un « objet théorique » qui interroge l’irruption de l’image photographique en philosophie. Siegfried Kracauer définit dans Théorie du film le réalisme propre à l’image photographique, en revisitant le concept d’affinité, dans une discussion serrée avec l’héritage kantien qu’il connaît parfaitement : il y va d’une redéfinition de l’expérience esthétique par l’enregistrement, entre déliaison et rédemption, le trait d’union entre caméra et réalité signant un effort conceptuel à notre avis remarquable.

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Michael Lucken, Possibilité et limites d’une philosophie photographique. Une lecture de Nakai Masakazu

Prenant appui sur l’œuvre du philosophe japonais Nakai Masakazu (1900-1952), cet article expose une conception de la photographie qui permet de sortir le déploiement technique de l’horizon des fins catastrophiques. Il s’en dégage les linéaments d’une philosophie qu’on peut qualifier à proprement parler de photographique où se mêlent des schémas issus du bouddhisme et de la théorie marxienne du reflet.

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Guillaume Le Gall, Les dispositifs réflexifs de Patrick Tosani

Cet article analyse le travail de Patrick Tosani en suivant l’ordre d’apparition des séries afin de souligner l’évolution de la réflexion de l’artiste sur la photographie. Sur le plan méthodologique, l’article privilégie l’analyse des images et des dispositifs mis en place en insistant sur la dimension réflexive du travail. On découvre ainsi comment ce processus en œuvre génère une pensée sur la nature des images produites.

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Nicola Zambon, L’anthropologie phénoménologique de Hans Blumenberg. Conscience et histoire

L’analyse critique de la phénoménologie husserlienne par Blumenberg conduit à reconstruire et interpréter les aspects les plus importants de l’anthropologie phénoménologique de Blumenberg, ce qui passe par une attention particulière 1) à sa confrontation avec la méthode phénoménologique husserlienne ; 2) à sa théorie du monde de la vie, qui rend compte des structures de signification évidentes modelant l’expérience humaine quotidienne. Cette expérience a des configurations historiques, qui sont l’objet de la réflexion de Blumenberg.

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Yohann Douet, La dialectique et l’État. Gramsci, Hegel et les néo-idéalistes italiens

Après avoir présenté les « réformes » de la dialectique hégélienne par Croce et Gentile, nous examinons leur critique par Gramsci : les penseurs néo-idéalistes nieraient, contrairement à Hegel, les contradictions réelles – négation liée à certains égards à la logique des révolutions passives. Nous nous arrêtons ensuite sur les conceptions de l’État de Croce et de Gentile, dont les perspectives – respectivement libérale et étatiste – pêchent toutes deux par abstraction pour Gramsci. Ce dernier s’attache à penser l’État en son sens intégral (dans son unité dialectique avec la société civile), et juge pour cela nécessaire, ici aussi, de revenir à Hegel.

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Paul Valadier, Nuance et distinction chez Nietzsche

Comment comprendre que le philosophe, Nietzsche, qui prétend philosopher en maniant le marteau, ait aussi exalté le sens de la distance, de la distinction, de la noblesse ? Pour y parvenir, il y faut une « rumination » patiente de ses écrits pour éviter de classer trop vite une pensée qui échappe à toute catégorisation facile. L’article s’appuie particulièrement sur le texte de La généalogie de la morale.

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Bulletin cartésien LI

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Réunissant cinq études fines, alertes, rigoureusement informées, Philosophie de la photographie. De l’empreinte naturaliste à l’objet théorique est la présentation de la manière originaire dont la philosophie se réalise en travaillant, encore et toujours, la question du temps et de l’instant, de l’espace et de la composition spatiale, du visage et de la personnalité, du sujet singulier et de la communauté politique : dès lors qu’elle prend acte de l’irruption de l’image photographique dans la vie de la pensée et de ses effets sur cette vie ; dès lors qu’elle prend acte de l’irruption du medium technique de l’image et de ses effets sur l’abord du réel.

Qu’un medium technique modifie et affine l’œil et le regard de l’homme, cela n’est pas nouveau. Le télescope recula les limites imposées à l’œil aimanté par l’infini du cosmos, de même que le microscope pour le regard inlassablement tourné vers l’infiniment petit.

Il en va tout autrement avec l’image photographique et le medium technique. Ils impliquent, eux aussi, l’œil et le regard, mais ils les impliquent dans un moment particulier : celui de l’instant photographique, lequel n’est ni un instantané ni un arrêt ou une suspension du temps. Or l’instant lui-même se trouve du même coup propulsé sur le devant de la scène philosophique, où il s’envisage désormais du point de vue de son incidence, inédite, dans la vie de l’homme. Habité par toute la puissance évocatrice de la langue allemande, Goethe en avait déjà eu l’intuition quand il mit sur les lèvres de Faust : « Demeure donc, Instant (Augenblick), tu es si beau ! ». Augenblick associe en effet l’œil (Auge) et le regard (Blick) qui, ensemble, posent et décomposent le flux du temps et les éléments de tout espace en se jouant de leurs continuités et discontinuités, ceci dans la conscience trouble que l’esprit courbe de Chronos imprègne tout. En ce sens, l’instant photographique met à mal, pour nous, tant l’esthétique kantienne de la Critique de la raison pure que le chemin phénoménologique husserlien de constitution du sens. L’approche même du temps et celle de l’espace sont dès lors à reconsidérer et, avec elles, tout le programme de la philosophie.

Philosophie de la photographie. De l’empreinte naturaliste à l’objet théorique a la valeur programmatique d’une nouvelle figuration de la philosophie. En commençant par un acte premier, la refonte de l’esthétique. Il nous rappelle que ce n’est pas l’homme qui fait la philosophie. C’est elle, la philosophie, qui prend forme et consistance dans une pensée, une recherche, une langue à un moment donné du temps et de l’histoire des hommes, des arts et des techniques. Ce dossier, dirigé par Carole Maigné, en est la manifestation magistrale.

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