Tome 79, cahier 2, avril-juin 2016

La philosophie russe et le positivisme

Jérôme Laurent, La philosophie russe et le positivisme

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 Rambert Nicolas, Critique et annexion de la doctrine positiviste. Soloviev lecteur de Comte

Quel rapport Soloviev entretient-il avec Comte ? Comment interprète-t-il la « loi des trois états » et comment tente-t-il de l’intégrer dans son propre système ? Dans cet article, nous tentons de montrer que l’opposition de Soloviev à Comte n’est pas aussi tranchée qu’on a l’habitude de la présenter. À travers l’intégration de la « loi des trois états » comtienne, on voit la méthode propre à Soloviev d’annexion des contenus propres aux philosophies qui le précèdent et dont le positivisme fait partie.

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Vladimir Soloviev, L’idée d’humanité chez Auguste Comte

Conférence lue lors d’un colloque public de la Société Philosophique de l’université de Saint-Pétersbourg, le 7 mars 1898, à l’occasion du centenaire de la naissance d’Auguste Comte

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Michel Niqueux, La philosophie positive et l’unité de la science [1892] Boris Tchitchérine

Michel Niqueux traduit et commente de larges extraits de l’ouvrage de Boris Tchitchérine

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Anastasia Yastrebtseva, La voix de Piotr Lavrov. Sociologie comtienne et connaissance historique

Piotr Lavrov (1823-1900) a lu et apprécié Auguste Comte, Spencer et Darwin. Il critique un trop grand objectivisme chez Comte qui négligerait la dimension subjective dans la compréhension de la dynamique sociale ou de la science historique. Les valeurs et les choix des sujets moraux ne sont pas réductibles à des faits naturels, mais ils sont tout de même des faits et Lavrov met en avant la notion de « personnalité critique ». L’histoire doit devenir la science des motivations subjectives et donc utiliser une anthropologie du probable.

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Laurent Clauzade, Grégoire Wyrouboff : Penser la Russie. Essais de sociologie positive appliquée ?

Grégoire Wyrouboff (1843-1913), né en Russie, dirigea avec Émile Littré La Philosophie positive, la première revue positiviste. Les articles qu’il y rédigea forment l’essentiel d’une œuvre philosophique au sens comtien du terme. Sa compréhension générale de la philosophie positive, à la suite de Littré, est une sorte de scientisme républicain et antireligieux assez typique des débuts de la troisième République. En revanche le travail sociologique et politique qu’il fait sur la Russie montre une certaine originalité : dans la description des phénomènes sociaux et politiques russes, et dans la défense d’une position « occidentaliste », il recourt à des outils méthodologiques qui n’appartiennent pas à la sociologie positiviste classique.

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Personne et subjectivité

Emmanuel de Saint Aubert, Introduction à la notion de portance

Nous tentons ici d’introduire la nécessité, le sens et les enjeux anthropologiques d’une nouvelle notion, la « portance ». Cette réflexion procède d’un double contexte, clinique et philosophique, qui interroge l’assise charnelle du désir. À partir d’une phénoménologie en dialogue avec la psychologie, la psychanalyse et la philosophie de l’éducation, la notion de portance aborde les fondements mêmes de notre ouverture au monde et à autrui.

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 Camille Abettan, Ricœur ou le prix de l’ipse

Cet article tente d’interroger la façon dont s’articulent chez Paul Ricœur deux motifs bien connus, celui de l’herméneutique du soi, et celui de la distinction entre deux significations majeures de l’identité, l’idem et l’ipse. La thèse défendue est que ces deux motifs ne s’articulent pas de façon totalement satisfaisante chez Ricœur, et que celui-ci a tendance à exclure le pôle idem de la sphère de l’herméneutique, et cela parce qu’il l’assimile trop rapidement à ce qui est publiquement observable. Nous montrons alors comment il serait possible de réintégrer le pôle idem au sein de la problématique de l’herméneutique du soi.

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Emmanuel Housset, La personne au-delà de l’anthropologie

Contre toute apparence, la personne n’est pas un concept anthropologique, parce qu’elle n’est pas une chose dans le monde, une identité stable qui aurait en plus la capacité d’être consciente d’elle-même. Les analyses kantiennes de la personne sont encore aujourd’hui ce qui libère de toute compréhension naturaliste de la personne en séparant radicalement l’idée de personne et l’idée de substance. Kant en montrant que le moi empirique n’est qu’une chose qui se construit peu à peu dans le temps et que le « je » pur est vide de déterminations et est seulement accessible comme condition des représentations laisse une vraie place à la personne comme sujet moral. Ainsi Kant en apprenant à éviter toute confusion entre personnalité psychologique et personnalité morale montre que la véritable identité de la personne est celle du combat pratique et que la vertu est « l’intention morale en lutte ».

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Antoine Grandjean, Personnalité morale et rationalité selon Kant

Cet article entend exposer, élucider et situer le concept kantien de personnalité morale. Il commence par déployer les caractéristiques descriptives qui selon Kant singularisent une personne, et qui sont respectivement téléologique, axiologique, esthétique et juridique : la personne est l’étant qui est une fin en soi, qui est doué de dignité, qui impose le respect et qui a des droits. Dans un deuxième temps, l’article régresse en direction de ce qui fonde ontologiquement ces déterminations de la personne, pour en délivrer cette définition réelle : la personne est l’étant qui est libre. Le concept kantien peut ainsi être situé dans l’histoire (métaphysique) des définitions de la personne : la rationalité n’est pas une condition suffisante de la personnalité

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Bentham et l’utilitarisme – Bulletin critique

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Bulletin Hobbes XXVIII

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Vladimir SolovyovUn dossier La philosophie russe et le positivisme d’une part, un ensemble Personne et subjectivité d’autre part ? Serait-ce hétérogène et juxtaposé, parce que lié à des contextes assez éloignés ?

Dans le dossier sur la philosophie russe, il s’agit bien d’une crise de la pensée. La tradition orthodoxe, la littérature, la construction politique, la jeune histoire de la philosophie russe vivent en effet, au XIXe siècle, le choc du positivisme d’Auguste Comte – objet en Russie d’un accueil étonnant par bien des aspects. Ce choc ébranle. En outre, à la différence de la philosophie de l’Europe occidentale déployée depuis l’antiquité grecque la plus lointaine jusqu’à l’émergence du positivisme comtien, le monde ancien de la philosophie russe voit essentiellement le jour avec l’idéalisme allemand, accueilli en même temps que discuté et critiqué par les penseurs russes.

En ce sens, Vladimir Soloviev, Boris Tchitchérine, Piotr Lavrov, traduits ou commentés ici, sont des témoins majeurs et décisifs, en même temps que critiques, de l’irruption du positivisme dans le monde russe de leur temps et de ses effets annoncés, sinon aperçus, sur le devenir de la société et de l’idée même de sujet – comme ne manquera pas de le montrer l’histoire ultérieure.

En philosophie européenne occidentale, la phénoménologie, en formalisant sa prise de position par rapport au positivisme scientifique – et, d’une certaine façon, par rapport aux autres positivismes, dont celui de l’empirisme psychologique –, porte en sa pleine lumière une autre crise : celle de la dissolution du sujet et de la déconstruction de la personne. La philosophie, que ce soit chez un Merleau-Ponty ou chez un Ricœur, relance alors, à partir de la phénoménologie dans le passage du XIXe au XXe siècle, la question toujours actuelle de la subjectivité et de la personne en son individualité, que Kant avait ouverte sans jamais chercher à la conclure – ni le prétendre –, remettant à la philosophie à venir le soin de ne jamais la déserter.

Par-delà des contextes éloignés?

Dans la Russie de leur temps, le rapport critique de Soloviev, Tchitchérine et Lavrov au comtisme et la prise de distance qui s’en dégage ne sont pas sans résonnances avec l’attention portée par la philosophie européenne occidentale à la subjectivité et à la personne, dont il faut prévenir la disparition sous les assauts des positivismes multiples et toujours récurrents. En ce sens, par-delà des contextes assez éloignés, c’est un même esprit de la philosophie historiquement en travail qui se montre, tant dans ses débats avec elle-même que dans les résolutions de ces débats qu’elle cherche, infiniment.