EnglishTome 82, cahier 4, Octobre-Décembre 2019

Penser la politique en Islam

Anoush Ganjipour, Penser la politique en islam. Avant-propos

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Makram Abbès, Le concept de politique dans la pensée islamique. Qu’est-ce que la siyâsa ?

Le terme « siyâsa » désigne la politique en langue arabe et dans plusieurs langues du monde musulman (turc, persan, ourdou, etc.). Travaillant à en restituer toute l’épaisseur sémantique en le traitant comme un concept, selon la méthode de la sémantique historique inaugurée par R. Koselleck, cet article ouvre la voie à la requalification de ce mot et à son élévation au rang d’outil majeur. L’enjeu est de mieux appréhender la pensée politique et les arts de gouverner développés à l’âge classique de l’Islam (VIIe -XVe siècles).

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Karine Michel, L’art politique et sa visée téléologique. Le bonheur chez Farabi, Miskawayh et le pseudo al-‘Āmiri (701-718)

Cette étude se propose d’interroger la manière dont les penseurs musulmans de l’époque classique ont produit une science politique qui se veut être un art pratique, ayant une visée téléologique : le bonheur. À travers les pensées de Farabi, Miskawayh ou en encore du Kitāb al-Sa‘āda wa l-Is‘ād (pseudo al-‘Āmiri), s’est constituée toute une réflexion politique prenant racine dans les champs biologique, noétique et éthique. Du fait de la composition de l’homme en corps et esprit, l’association civile devient la condition nécessaire à l’atteinte du bonheur par l’homme. Le bonheur n’est plus seulement la félicité ultime promise dans l’au-delà mais bien un bonheur terrestre, hic et nunc.

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Meryem Sebti, Le gouvernement selon Avicenne. Providence divine et statut de la politique dans la Métaphysique du Šifā’

La conception avicennienne de la politique est indissociable de sa doctrine de la providence divine et de sa prophétologie. Ce travail examine les implications de cette doctrine à travers l’étude du dernier livre de la Métaphysique du Šifā’ d’Avicenne, qui est le texte le plus complet du philosophe sur l’ordonnancement de la cité, sur ses lois et sur la nature du nomothète. Nous nous attachons à répondre à la question suivante : puisque la providence divine s’étend jusqu’au confins de la société des hommes par la médiation du prophète et de la loi révélée, y a-t-il encore une place pour une science qui, telle la politique, cherche à poser les fondements d’un ordre proprement humain ?

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Anoush Ganjipour, La pensée politique islamique et l’idée de société moderne

Si la pensée politique en islam est née une première fois à travers la traduction/appropriation de la philosophie politique grecque, on peut dire que c’est à partir d’un geste analogue qu’elle a voulu se renouveler au XIXe siècle lors de sa rencontre avec la pensée sociale et politique moderne. De façon en apparence paradoxale, ce nouveau « mouvement de traduction » est le moment originaire pour la modernisation de l’islam et pour sa politisation contemporaine. En remontant à ce tournant majeur de la pensée politique islamique, cet article essaie de retracer la trajectoire théorique à travers laquelle les penseurs réformistes cherchaient à restructurer l’islam autour d’une nouvelle fonction théologico-politique confiée à la sharia pour faire de cette religion une « religion politique », c’est-à-dire une religion précisément moderne.

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Gilles Campagnolo, Hegel et l’économie politique de son temps

Dans Économie politique et philosophie chez Steuart et Hegel (1963), Paul Chamley examine l’intérêt que Hegel prit tôt pour l’économie. Il le rapporte à l’influence sur Hegel de la lecture, à Francfort, de l’Enquête publiée par James Steuart, ouvrage (aujourd’hui trop négligé) qui précéda La Richesse des nations d’Adam Smith. Quels thèmes majeurs Hegel y puisa-t-il ? Existe-t-il d’ailleurs une « économie hégélienne » per se ? Les notions hégéliennes en ce domaine sont-elles d’un bloc ? Outre l’effet du livre de Steuart, s’exercèrent les influences du caméralisme germanique traditionnel et du classicisme britannique naissant. Il faut donc montrer plus de circonspection que Chamley n’en eut et cet essai réévalue les vues de Hegel sur l’économie dans son époque.

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Michel Bourdeau, Saint-Simon et Auguste Comte : la fin d’une collaboration, 1822-1824

La question des rapports entre Comte et Saint-Simon est toujours en suspens, la version qu’en a donnée le premier étant très sujette à caution. Pour tenter d’y voir clair, il convient de commencer par régler certaines questions factuelles. Les pages qui suivent s’en tiennent aux années qui séparent les publications, dans des périodiques édités par Saint-Simon, du Plan des travaux scientifiques nécessaires pour réorganiser la société (mai 1822-mai 1824) et qui s’achèvent sur une rupture. Grâce à la récente édition des Œuvres complètes de Saint-Simon, il est possible de dégager ce que ses écrits de cette période nous apprennent sur les relations entre les deux hommes.

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Bulletin de littérature hégélienne XXIX

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Bulletin de bibliographie spinoziste XLI

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Avveroès, détail (Andrea di Bonaiuto, Capellone degli Spagnoli – CC 3.0 by Sailko)

Avveroès, détail (Andrea di Bonaiuto, Capellone degli Spagnoli – CC 3.0 by Sailko)

Contrairement à ce que pourrait suggérer…

…son intitulé ambitieux, le dossier Penser la politique en Islam ne propose pas une vue synthétique sur la res politique du point de vue de l’islam et, moins encore, ne l’aborde à partir de ses manifestations actuelles. Le dossier, coordonné par Anoush Ganjipour, prend le parti de proposer des études délimitées qui mettent en valeur des penseurs de très grande envergure en islam et en dehors de lui, d’époques et d’aires géographiques différentes dans le temps. Ces études témoignent d’une rigueur théorique et historique sans conteste dans l’abord des œuvres sollicitées, et en même temps de beaucoup de tact et de savoir pour approcher leurs passés et leurs horizons.

L’effet de ces articles…

…peut être sur le lecteur celui d’un dépaysement ou d’un décalage car ils le convient à se porter en des lieux et des contextes de l’histoire éloignés de lui et, apparemment, sans rapport immédiat avec lui. Les articles privilégient pourtant des questions qui se sont posées à l’islam en ces lieux et ces contextes, nullement défraichies aujourd’hui : qu’est-ce que le pouvoir politique, avec le problème fondamental de l’art de gouverner ? Qu’en est-il du bonheur ? Qu’est-ce qu’une loi et quel en est le fondement ? Comment raison humaine et révélation divine selon l’islam en viennent-elles à s’accorder et selon quelles modalités – interrogation qui occupe toutes les pensées en mouvement étudiées dans ce dossier ? Qu’en est-il de la rencontre de la manière de penser en islam avec la pensée sociale moderne telle qu’elle prend figure, dans le positivisme d’un Auguste Comte par exemple, et dans les tentatives d’Atatürk ?

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Si le lecteur consent…

…à ce décalage, il se rendra compte que ces études circonscrites, rassemblées dans Penser la politique en Islam, loin d’être marginales, ainsi qu’elles pourraient de prime abord lui paraître, ont une résonance toujours actuelle par ce qu’elles éclairent aujourd’hui : en particulier, le retour éclaté de la tradition, en partie dissimulée et sujette à conflits, phénomène de notre temps et universel, auquel nul n’est soustrait, jusque dans sa singularité elle-même. C’est d’un effet d’histoire qu’il s’agit avec ce dossier. Telle en est la grande force – et le dessein

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